Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Business 
04 sep 2017

Dans les diverses hiérarchisations institutionnelles, étatiques ou marchandes, les PME sont mécaniquement minorées ou ignorées



Pour comprendre la place de la PME dans la société française, il n’est pas inutile de s’intéresser à l’ordre de préséance. Cet ordre est une hiérarchie symbolique définissant le rang des officiels lors des cérémonies protocolaires.
Édicté par Napoléon Ier, réactualisé en 1989, on y constate que c’est l’État qui se réserve la part du lion, reléguant l’écosystème PME à des rangs si inférieurs que cela en devient humiliant (la 41e place est réservée au président du tribunal de commerce de Paris, à la 48e se trouvent les présidents de CCI France, de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture et de l’assemblée permanente des chambres de métiers et d’artisanat et à la 49e le président de la CCI de Paris).


« La puissance symbolique de l’ordre du rang joue pleinement sur le psychisme des acteurs et participe à construire un ordre social fortement hiérarchisé autour de l’État » La force de ce classement est qu’il agit sur les esprits. C’est même sa raison d’être. C’est comme cela que l’État renforce son caractère institutionnel en existant dans la réalité et dans les cerveaux. Déjà en 1963, Michel Crozier notait que dans un profond sentiment qui mêle hostilité et allégeance, le petit patronat faisait preuve d’attitude infantile à l’égard de l’État. « Toujours dans ce registre de l’ordre protocolaire, la place des PME dans les attributions ministérielles est symptomatique de ce déclassement. Bien que représentant 99,8% des entreprises françaises, les PME n’ont fait l’objet d’un ministère de plein exercice qu’en de très rares occasions, et ont été reléguées la plupart du temps à la tutelle de secrétariats d’État tout au long de la Ve République. Cette hiérarchie n’est pas neutre sur le plan constitutionnel, car les secrétaires d’État sont rattachés à un ministre, ne peuvent contresigner les décrets, n’ont pas de budget propre et ne siègent au Conseil des ministres que sur invitation. » La PME n’est pas un référentiel stable, de telle sorte que le ministre des PME n’existe pas vraiment.

Les classements de l’excellence économique
–Mais il n’y a pas que l’État qui classe et déclasse. Notre société regorge de classements qui font la part belle aux grandes entreprises, voire aux start up (le CAC 40, en hiérarchisant les grandes entreprises en fonction du montant de leur capitalisation; de nombreux magazines publient chaque année pléthore de palmarès); « à la fin ce sont toujours les mêmes hyperfirmes qui sont classées tandis que l’écosystème « PMiste » reste l’éternel absent ».
-Les grandes écoles ont tendance à survaloriser les grandes entreprises au détriment des PME. « Pour mesurer la qualité des formations, différents critères peuvent être envisagés, comme « les postes de direction occupés par les diplômés ». Et puis les études de cas sont avant tout basées sur ces grandes entreprises.
Et la création d’entreprise? Si de plus en plus d’écoles misent sur la création d’entreprises, ce sont surtout les start-up et les PME high-tech, c’est-à-dire les « grandes entreprises potentielles », qui suscitent l’attention. De fait, les élèves des grandes écoles préfèrent travailler dans les grandes entreprises, qui ont le plus besoin de cadres, et où les salaires sont meilleurs.
-Les grands théoriciens du management moderne (Taylor, Fayol, Mayo, Porter, Bartlett et Ghoshal…) se sont basés empiriquement sur la très grande entreprise.

« En clair, on cherche les clés de l’économie sous le réverbère parce qu’il y a de la lumière ».»

L’archivage historique

« L’explication de cette focalisation sur les seules grandes entreprises tient au rôle primordial des archives dans le travail de l’historien… la grande entreprise fournissant un terrain riche et fertile, les PME présentent le plus souvent des archives faméliques, voire inexistantes….ce biais des archives porte en lui le germe d’une énorme confusion de beaucoup d’historiens, entre les dirigeants managers non propriétaires, dont nombre d’entre eux sont des hauts fonctionnaires-grands dirigeants, et les vrais patrons patrimoniaux. »


Source :"Les mécanismes de déclassement des PME", Constructif N°47, juin 2017

Un article très documenté d’Olivier Torres, professeur à l’université de Montpellier et à Montpellier Business School, fondateur d’ Amarok, le premier observatoire de la santé des dirigeants de PME dont je reprends les idées forces.

« Lire d’autres articles et analyses sur l'entrepreneuriat TPE / PME de notre expert André Letowski »

 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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