Fondation d'entreprise
 
 
Laure Chanselme
Forme 
15 déc 2017

Epuisement professionnel : qu’en est-il des entrepreneurs ?

Le terme « burn-out » est apparu dans les années 1970, afin de décrire l’épuisement au travail des professionnels de l’aide et du soin. Analyse de notre expert.

De quoi parle-t-on ?

Freudenberger a été le premier à conceptualiser le terme « burn-out » en 1974, et est donc à l’origine des premières réflexions théoriques sur ce sujet. Le concept sera ensuite popularisé par les nombreux travaux de recherche de Maslach, dès 1976 ; et il est encore aujourd’hui largement étudié.

Le syndrome d’épuisement professionnel est un phénomène complexe et très particulier dont nous entendons de plus en plus parler dans les médias, ainsi que dans les domaines de la santé au travail, de la médecine et de la psychologie.

Cette quantité massive d’informations parfois très contradictoires, ainsi que l’absence d’une définition officielle et universelle, peuvent être à l’origine d’une mauvaise compréhension de ce qu’est ce syndrome, mais également de sa confusion avec certaines pathologies telles que la dépression.

Alors finalement, qu’est-ce que le burn-out?

Lorsque nous parlons de burn-out, nous parlons de syndrome d’épuisement professionnel. Un syndrome est un ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques de l'organisme, qui permettent d'orienter le diagnostique, sans pour autant être synonyme de maladie.

Selon la conceptualisation de Maslach, le burn-out n’est pas considéré comme une maladie psychiatrique, mais plutôt comme un cercle vicieux qui peut faire basculer l’individu dans la maladie, et avoir de lourdes conséquences sur le plan professionnel, familial et social.

C’est ce qui rend le diagnostique particulièrement difficile, d’autant plus qu’aujourd’hui, il ne donne pas matière à l’élaboration d’un diagnostique officiel dans le CIM-10 et le DSM5 (classifications médicales de référence).
Selon l’OMS, le burn-out se caractérise comme « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ».

C’est un état d’épuisement général (physique, psychique, émotionnel et mental) lié au travail, et qui est souvent la conséquence d’un état de stress chronique et/ou de l’exposition prolongée à certains risques psychosociaux (RPS).

Entreprendre protège-t-il de l’épuisement professionnel ?

Les nombreuses théories sur le sujet nous montrent que le burn-out « peut affecter toutes les personnes, dans n’importe quel contexte personnel et professionnel » (Ben Tahar & Rossi, 2012).

Ce n’est que récemment que certains chercheurs ont commencé à s’intéresser au burn-out des entrepreneurs, et les études sur le sujet confirment qu’il constitue un risque pour leur santé.

Cependant lorsque la question du burn-out est abordée dans les médias, dans de nombreux ouvrages ou par des spécialistes, elle l’est souvent sous l’angle du salariat et du lien de subordination (hiérarchie).

Ainsi l’énumération de facteurs de risques tels que le faible contrôle sur son travail, les faibles récompenses, le manque d’équité, les conflits de valeur, les demandes contradictoires, le manque de clarté dans les objectifs et/ou les moyens (source INRS), etc., peut laisser penser à l’entrepreneur que sa fonction de leader au sein de l’entreprise le protège.

Or, l’Observatoire Amarok a pu identifier, au travers de plusieurs études et de sa plateforme de prévention du burn-out patronal, de nombreux facteurs de risques propres à la fonction d’entrepreneur.

Nous allons par exemple observer un sentiment de déception lié à des attentes trop élevées, un sentiment de lassitude, une fatigue chronique due à un manque de sommeil et à une augmentation des troubles du sommeil (Olivier Torrès, Harvard Business Review, 2014).

Et selon l’étude réalisée en 2016 par BPIfrance Le Lab, il apparaît que 15% des travailleurs indépendants sont en risque de burn-out (l’étude réalisée par l’institut Think en 2015 montre un risque de burn-out chez 17% des salariés français).

Il est donc primordial de mener des actions de prévention auprès des entrepreneurs afin de leur expliquer les spécificités du burn-out patronal et de leur permettre ainsi d’être plus vigilants en ce qui concerne les premiers signes qui peuvent se manifester chez eux, mais aussi chez leurs salariés, car les symptômes du burn-out sont les mêmes pour toutes les personnes touchées.

De plus, le burn-out est ce point de rupture qui va faire basculer l’entrepreneur dans la maladie et entraîner un arrêt de travail obligatoire de plusieurs mois. Or, n’oublions pas que le premier capital immatériel d’une entreprise, c’est la santé de son dirigeant. Ainsi, dans une TPE ou une PME, la longue absence de son dirigeant peut entraîner la chute de l’entreprise. Il est donc plus que nécessaire et utile de briser le tabou du burn-out entrepreneurial, en abordant cette question de manière préventive et bienveillante.


 
 
Laure Chanselme est psychologue du travail au sein de l’Observatoire Amarok (1er Observatoire national de la santé des dirigeants de TPE et PME). Elle est spécialisée dans le domaine de la santé au travail des travailleurs non-salariés, notamment concernant la prévention des risques psychosociaux et du burn-out entrepreneurial. Elle fait également des conférences et séminaires auprès de ces travailleurs indépendants. En 2017, elle a validé le DU de Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC), de l’Université de Nîmes.

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