Une très rare étude sur le profil des micro-entrepreneurs en activité, qui complète largement l’enquête Sine (limitée aux nouveaux entrants), en proposant 6 profils type : 3 profils regroupent des très investis et satisfaits (35 % des micro-entrepreneurs observés), 2 profils regroupent des peu investis (38 %) et un profil des contraints (18 %).
⇒ Combien sont les micro-entrepreneurs de cette région ?
Parmi les travailleurs indépendants, les micro-entrepreneurs sont 37 % (au nombre de 36 000) au moment de l’enquête; les travailleurs indépendants enregistrés avant 2009 sont 31 % ; ceux non micro-entrepreneurs enregistrés après 2009 sont 32 %.
80 % des micro-entreprises enregistrées à l’Urssaf sont actives. Par ailleurs, 60 % des micro-entrepreneurs économiquement actifs ont généré un chiffre d’affaires au cours des quatre trimestres de 2017 (hors ceux qui se sont installés pendant l’année) ; 15 % ont fait une déclaration de chiffre d’affaires durant trois trimestres, 12 % durant deux trimestres et 13 % un seul trimestre.
Le nombre d’immatriculations se situe autour de 10 000 en moyenne depuis 2011, en mettant de côté les deux premières années qui suivent la mise en place du dispositif.
Les radiations se situent à un niveau inférieur, de l’ordre de 7 000 à 8 000 depuis 2012. Parmi les micro-entrepreneurs radiés, 2 % renoncent en raison d’un dépassement de seuil de chiffre d’affaires qui les font basculer dans la catégorie « classique ».
En une année, un quart des micro-entreprises se renouvelle. Fin 2017, les micro-entrepreneurs de la région étaient d’ailleurs installés depuis 3,4 ans en moyenne.
⇒ Qui sont ces micro-entrepreneurs ?
♦ En termes d’appartenance à l’un des 3 grands secteurs d’activité :
- 43 % sont rattachés à l’artisanat : 64% sont des hommes ; 39 % ont moins de 40 ans, 49 % de 40 à 60 ans et 12 % plus de 60 ans ; 76 % ont des recettes inférieures à 15 000€ annuels.
- 29 % sont rattachés aux commerçants : 62 % sont des hommes ; 33 % ont moins de 40 ans, 47 % de 40 à 60 ans et 20 % plus de 60 ans ; 83% ont réalisé des recettes dont le montant est inférieur à 15 000€.
- 28 % sont rattachés aux libéraux : 50 % sont des hommes ; 38 % ont moins de 40 ans, 44 % de 40 à 60 ans et 18 % plus de 60 ans; 82% ont réalisé au plus 15 000€ de recettes.
♦ En termes de grands constats :
- 4 principales activités (85 % des micro-entrepreneurs) : 32 % les services aux particuliers, 22 % les services aux entreprises, 17% le commerce, et 14 % le BTP.
- Le taux de rotation moyen est de 26 % ( 65 % dans les transports vs 23 à 33 % pour les autres activités)
- Les recettes moyennes sont de 10 400 € et la recette médiane de 5 700 € (ce dernier chiffre est plus pertinent que la moyenne).
- Les femmes y sont en moyenne 40 % (entre 39 et 60 % sauf en BTP 2 % et transports 5 %).
- Les moins de 30 ans sont 12 % ; ils sont très présents dans les transports (34 %). Les 60 ans et plus sont entre 12 et 24 % selon les activités (moyenne 16, mais une focalisation autour de 15-19 %), dont 24 % dans les métiers de bouche, 21 % dans les services aux entreprises (conseil et expertise) et 12 % dans le BTP.
- 36,5 % ont travaillé en moyenne moins de 10 heures par semaine (45 % dans les transports) et 40% plus de 30 heures par semaine (60 % dans le BTP, 55 % dans les HCR).
⇒ En définitive, le profil des micro-entrepreneurs est légèrement différent des autres travailleurs indépendants :
- plus féminisé (40 % de femmes contre 35 pour les autres non-salariés; rappelons que l’on ne connait pas l’âge du dirigeant de société),
- plus jeune (45,4 ans contre 47,3 ans pour les autres travailleurs indépendants, la différence d’âge étant plus marquée chez les hommes que chez les femmes).
Les micro-entrepreneurs de moins de 30 ans sont 31% des travailleurs indépendants, alors qu’ils ne sont, au sein des 40-60 ans, que 23 % pour les femmes et 18 % pour les hommes; dans cette tranche d’âge, les femmes représentent 44% des micro-entrepreneurs, alors qu’au-delà de 60 ans, elles ne représentent plus que 33 % des micro-entrepreneurs. Chez les personnes de plus de 62 ans, les micro-entrepreneurs sont 22 % des travailleurs indépendants.
- 52 % des diplômés sont de niveau V ou IV (vs 48 % pour les créateurs d’entreprises classiques) ; 34 % possèdent un diplôme de niveau bac +2 ou plus (vs 39 % des autres créateurs classiques; 14 % des micro-entrepreneurs n’étaient titulaires d’aucun diplôme (vs 12,5).
- 78 % disposent d’une expérience dans le domaine d’activité de leur entreprise, dont 32 %. plus de 10 ans d’expérience; à contrario, 22 % des micro-entrepreneurs montent leur projet sans aucune expérience préalable.
Noter encore que :
- Avant de créer leur entreprise, 52 % des micro-entrepreneurs étaient des actifs occupés (33 % salariés du secteur privé, 7 % salariés de la fonction publique, 7 % intérimaires et 5 % déjà chefs d’entreprise) ; 38 % étaient sans activité (au chômage, bénéficiaires du RSA ou des personnes au foyer), 6 % étudiants en parallèle de leurs études et 4 % retraités.
- Les moyens financiers engagés au démarrage sont faibles : 48 % aucun financement dégagé, ou au plus 4 000 € (39 %) ; 5 % avec plus de 8 000 € (vs la moitié pour les entreprises classiques).
Par ailleurs, 4 micro-entreprises sur 10 ont fait appel à un dispositif d’aide publique ACCRE ou NACRE.
⇒ Les auto-entrepreneurs de la région, comparés à ceux de la région Ile-de-France, manifeste pas mal d’écarts, alors qu’ils sont très proches des autres régions métropolitaines hors Ile-de-France.
On compte en Ile-de-France nettement plus de micro-entrepreneurs libéraux (50,5 % contre 28 en Centre-Val de Loire et 29 % en Province), notamment du fait des activités de conseils et expertise et des activités de transports de personnes (VTC notamment) et de livraison à domicile; ces deux activités sont sept à huit fois surreprésentées en région parisienne et s’accompagnent pour beaucoup de liens avec des plateformes en pleine croissance et souvent médiatiquement mises en avant. Les artisans sont pas contre nettement plus nombreux en Centre-Val de Loire et en province (43 et 42 vs 25).
Noter que le taux de rotation est bien plus élevé en Ile-de-France (36,5 % vs 26 et 27)
Les jeunes sont aussi plus nombreux en Ile-de-France (20 % vs 12 et 13), tout comme ceux qui n’ont pas produit de recettes (35 % vs 21 et 22) ; par contre en Centre-Val de Loire et en province, les micro-entrepreneurs ont un peu plus souvent des recettes d’au moins 15 000 € et plus (20, 20 et 16%).
⇒ 2 raisons principales ont motivé le choix du régime de la microentreprise :
- Créer son entreprise et devenir son propre patron (38 %, mais 47 % pour les moins de 40 ans, et 38 % pour les 40-60 ans.)
- Disposer d’une activité de complément pour 26 %, dont 16 en complément d’une activité salariée et 10 % d’une retraite (68 % des plus 60 ans le font pour un complément de retraite),
- le besoin de créer son propre emploi pour raison économique (15 %),
- la possibilité de tester la viabilité de son projet d’activité (13 %, surtout les moins de 60 ans,
- et 8 % autre (obligation administrative ou du donneur d’ordre).
⇒Les difficultés rencontrées
♦ Les difficultés rencontrées pour créer leur affaire (avec la limite de questions prédéfinies) :
- De l’ordre de l’administratif et du conseil-information : effectuer seul les démarches (27 %), régler les formalités administratives (22 %), obtenir des informations, du conseil, des formations (22 %), connaitre la législation en vigueur (21 %),
- De l’ordre commercial : établir les contacts clients (21 %) et fixer les prix (18 %),
- Le financement : obtenir un financement (10 %), une autorisation de découvert bancaire (3 %), ouvrir un compte bancaire (3 %)
- Autre : trouver une assurance (7 %), trouver le local approprié (4 %).
♦ Les difficultés rencontrées après leur installation; si 21 % n’affichent aucune difficulté, les autres en ont rencontré :
- d’ordre commercial : 34 % constitution de la clientèle, 18 % difficulté de communiquer en direction de cette clientèle, 14 % pour définir une stratégie commerciale,
- d’ordre financier : paiement des cotisations sociales et des impôts (20 %), mobilisation de financements (16 %),
- d’ordre de la gestion de l’entreprise (11 %)
- et encore la difficulté d’intégration dans un réseau professionnel (13 %), l’insuffisance de connaissance technique (7 %)
⇒ Le temps de travail :
36 % déclarent travailler au plus 10 heures par semaine vs 40 % plus de 30 heures. De fortes disparités existent entre les secteurs d’activité : travaillent plus de 30 heures par semaine, 60 % des micro-entrepreneurs du BTP et 55 % de ceux dans l’activité l’hébergement-restauration (22 % déclarent même y travailler plus de 60 heures). Par contre, dans les services aux particuliers et ceux aux entreprises, l’activité des micro-entrepreneurs est souvent annexe puisque 40 % et plus l’exercent moins de 10 heures par semaine.
Au global, 40 % travaillent au moins 30 heures par semaine, 23 % de 10 à 30 heures et 36% moins de 10 heures.
⇒ Les recettes : 21 % n’ont réalisé aucune recettes, 29 % moins de 3 000 €, et 20 % un chiffre supérieur à 15 000 €.
Seuls 1,5 % dépassent un chiffre d’affaires de 50 000 €, pour l’essentiel dans le BTP, les HCR et le commerce non alimentaire. Très peu de micro-entrepreneurs s’approchaient du seuil de chiffre d’affaires autorisé (élevé à 170 000 € en 2018 pour les activités de vente de marchandises, de vente à consommer sur place et de fourniture de logement et 70 000 € pour les services).
Les chiffres médians moyens (5 426 € pour l’ensemble) varient selon les activités : ils sont faibles pour les transports (3 800 €), le commerce et la fabrication (3 900 €), de 5 600 à 6 500 € dans les services aux entreprises, mais de 11 000 € pour les HCR et 11 800 € pour le BTP.
⇒ 41 % travaillent à domicile, 39 % chez les clients ; 10 % ont une activité ambulante et 10 % disposent d’un local professionnel.
⇒ 76 % ont pour clients des particuliers, mais aussi 53 % des entreprises et 17 % des collectivités; une micro-entreprise sur cinq travaille exclusivement pour le compte de professionnels (parfois un client unique).
Pour contacter les clients potentiels, 81 % utilisent le bouche à oreille et le réseau personnel, 26 % des flyers et affiches ; 14 % participent à des événements et salons.
38 % ont recours aux réseaux sociaux, 33 % à internet, 17 % à des annuaires en ligne et 10 % à des plate-formes collaboratives.
⇒ 84 % sont satisfaits du choix de ce statut (22 % sont même pleinement satisfaits); ils le sont à 97 % dans leur relation client, à 95 % pour leur autonomie, à 87 % pour l’équilibre vie professionnelle/ vie personnelle ; ils le sont moins pour le financement de leur activité (67%), les revenus générés (63 %).
Les moins satisfaits sont ceux qui déclarent le moins d’heures hebdomadaires (<5h avec 26 %) et le plus d’heures (plus de 60h avec 19 %).
⇒ 88 % affichent leur volonté de continuer cette activité dans ce statut dans les années à venir, alors que 12 % ont prévu d’arrêter définitivement leur activité; seuls 2 % déclarent vouloir quitter ce régime suite au dépassement du seuil de chiffre d’affaires autorisé.
⇒ Par ailleurs, seulement 17 % sont demandeurs d’accompagnement par leurs réseaux consulaires (CCI ou CMA). Toutefois 70 % ont prévu de se former (64 % une formation technique, 19 % une formation pour gérer leur entreprise).
⇒ Au final, 6 types de micro-entrepreneurs repérés :
♦Les satisfaits et par ailleurs très investis dans leur entreprise (35 % des micro-entrepreneurs) :
- “Micro-cheffe d’entreprise” satisfaite (13 %) ; activités surreprésentées : coiffure, psychothérapeute, sophrologue, hébergement touristique, réparation.
Féminines à 80 % (regroupe 1/3 des femmes), elles sont satisfaites voire très satisfaites de leur situation de micro-entrepreneur, et notamment de l’équilibre vie professionnelle / vie familiale. Pour elles, la micro-entreprise était le moyen de devenir leur propre patron; c’est leur activité principale, exercée à temps partiel ou complet : 50 % travaillent 20 à 40h, et un tiers plus de 40h (31h en moyenne). Un tiers génère un CA annuel de plus de 15 000 € (12 000 € en moyenne). Elles souhaitent continuer leur activité et sont les plus demandeuses de formation (40 %).
- Homme “micro-chef d’entreprises” du BTP (13 %) :
Essentiellement masculin (regroupe 1/4 des hommes micro-entrepreneurs), la moitié exerce dans la construction. Ils sont satisfaits de leur situation de microentrepreneur, et notamment de l’équilibre vie professionnelle / vie familiale. Leur aspiration était de devenir leur propre patron. La micro-entreprise est une activité à temps complet pour eux : ils produisent un gros volume horaire : 40 % travaillent même plus de 45h / semaine. La moitié dégagent un CA de plus de 15 000 € (17 000 € en moyenne).
- Micro-entrepreneurs retraités (9 % des micro-entrepreneurs) ; activités surreprésentées : conseil en entreprises, ingénierie, études techniques, formation, activités scientifiques.
D’âge moyen de plus de 65 ans, ce sont aux trois quarts des hommes. L’ancienneté de leur activité est plus élevée (plus de 4 ans pour un tiers d’entre eux). Ils sont très satisfaits de leur équilibre vie personnelle / vie professionnelle que leur prodigue la micro-entreprise, d’autant qu’ils ont peu de difficultés à constituer leur clientèle. Leur horaire hebdomadaire moyen est de 14 heures pour un CA moyen de 7 500 € mais très variable d’un individu à l’autre.
♦ Un investissement faible dans leur entreprise (38 % des micro-entrepreneurs) :
- Jeune homme au complément d’activité peu rémunérateur (19 % des micro-entrepreneurs) activités surreprésentées : informatique, commerce de voitures, transport.
Essentiellement des hommes, ils ont moins de 30 ans pour 40 % d’entre eux, et se sont installés depuis moins de 2 ans (à 70%). Aux deux tiers, ils exercent moins de 20 heures, pour une recette très limité (1 600 €), et pour un tiers, nulle.
- Femme cherchant un complément d’activité (19 %) ; activités surreprésentées : psychothérapeute, sophrologue, services personnels, enseignement, bijouterie fantaisie.
77 % sont des femmes. Aux trois quarts, moins de 20 heures par semaine, pour un CA moyen de 2 900 €. Si ces micro-entrepreneurs sont plutôt satisfaits de leur situation, ils ont plus de difficultés à constituer leur clientèle.
♦ Les contraints (18 %) :
- Micro-entrepreneur contraint, pour accéder à l’emploi (18 %); activités surreprésentées : marchés, vente à distance, nettoyage, agents immobiliers.
Il s’agit le plus souvent d’une activité complète : temps hebdomadaire de plus de 40h pour la moitié d’entre eux, mais inférieur à 20h pour un quart d’entre eux. Ils sont moyennement voire pas satisfaits de leur situation de micro-entrepreneur, ainsi que de leur équilibre vie perso / vie professionnelle qui ne génère pas un CA suffisant (9 300€ en moyenne, et même inférieur à 6 000€ pour la moitié d’entre eux). Ils ont plus de difficulté que la moyenne à trouver leur clientèle (42 % d’entre eux). Ils concentrent un quart des micro-entrepreneurs passant par une plateforme. Ils ont souvent entre 40 et 60 ans.
"portraits des micro-entrepreneurs du Centre-Val de Loire", Un consortium régional, janvier 2019
Méthodologie : utilisation de l’enquête Sine, complétée par une enquête par e-mailing, adressée à toutes les micro-entreprises présentes dans la base de données de l’Urssaf Centre-Val de Loire; 4 800 micro-entreprises ont répondu.L’Insee Centre-Val de Loire a procédé à un redressement statistique de l’enquête pour tenir compte des écarts entre la population des répondants et la structure générale des microentreprises immatriculées à l’Urssaf.
Le consortium regroupe la CRMA, la Direccte , l’Urssaf avec le soutien technique de l’Insee, en partenariat avec la CCI et le Conseil Régional.
André Letowski
Etude
25 fév 2019
6 types de micro-entrepreneurs : entre les investis et ceux en activité de complément
Une très rare étude sur le profil des micro-entrepreneurs en activité, qui complète largement l’enquête Sine (limitée aux nouveaux entrants), en proposant 6 profils type.
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.
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