Pouvez-vous expliquer ce qu’est l’épigénétique ? Quelle différence avec la génétique ?
L'épigénétique, ce sont des modifications, autour de notre information génétique, capables, sans changer l’ADN, de moduler l’activité des gènes, d’une manière stable mais potentiellement réversible. Pour mieux visualiser l’épigénétique, imaginez que la génétique est le disque dur d’un ordinateur et que l’épigénétique serait l’ensemble des programmes qui y sont installés. Sans disque dur, il n’y a pas d’ordinateur. Et sans programmes, l’ordinateur ne sert pas à grand-chose. Sans génétique il n’y a pas de vie. Et sans épigénétique, il n’y aurait pas de différenciation cellulaire. Et nous ne pourrions pas remplir nos fonctions biologiques. Génétique et épigénétique vont de pair, aucune n’est plus importante que l’autre, c’est un tout. Elles se complètent pour définir toutes les fonctions biologiques de l’organisme. L’environnement (y compris le mode de vie) a la capacité de laisser des traces, des modifications épigénétiques stables, qui peuvent moduler l’information codifiée par les gènes. On peut prendre l’exemple de jumeaux identiques, naissant avec le même ADN, mais qui, lorsqu’ils deviennent adultes, peuvent être différenciés, avoir des maladies et des longévités différentes. Tout ceci est surtout dû à leur exposition à des facteurs environnementaux différents qui installent des informations épigénétiques divergentes alors qu’ils partagent la même information génétique.
Quel est pour vous le lien entre l’épigénétique et la méditation de pleine conscience ?
En fait, il convient tout d’abord de parler du lien entre l’épigénétique et le stress. Le stress, dû à des facteurs environnementaux, laisse des traces épigénétiques autour de notre ADN qui peuvent éventuellement causer certaines maladies. Et il y a le stress psychologique. Beaucoup d’études montrent que le stress pendant les premières étapes de vie laisse des marques épigénétiques qui modulent la santé à l’âge adulte. Or ce qu’on est en train d’étudier dans le laboratoire c’est si la réduction du stress au travers de la méditation peut induire des changements épigénétiques bénéfiques, pour aider à prévenir ou éliminer des marques épigénétiques acquises suite à un stress psychologique.
Cela revient-il à dire que ce que le stress fait au niveau des marqueurs épigénétiques, la méditation peut le défaire ?
Cela reste aujourd’hui une hypothèse. Il y a des études qui sont actuellement menées sur ce sujet. Le stress chronique et les expériences adverses ont des conséquences négatives sur la structure du cerveau et les fonctions cellulaires. C’est la raison pour laquelle il est très important d’essayer de trouver des moyens d’apprendre à mieux gérer le stress.
Dans le cerveau, le stress provoque l’atrophie de certaines zones comme l’hippocampe ou le cortex préfrontal, de zones qui sont importantes notamment pour la mémoire, l’apprentissage, la planification, la prise de décision. Mais également l’hypertrophie de l’amygdale qui intervient sur la régulation émotionnelle. Et cela génère plus de sensations négatives comme la peur, l’agressivité ou l’anxiété.
Au niveau cellulaire, le stress psychologique diminue la réponse immunitaire. Et il génère de l’inflammation, qui si elle dure trop longtemps ou de manière répétée peut entraîner des altérations au niveau des tissus. Il créé aussi des mécanismes qui accélèrent le vieillissement cellulaire. Tous ces mécanismes toxiques du stress chronique sont liés à l’épigénétique. C’est pour ça qu’on essaye de savoir si la méditation pouvait influencer les mécanismes épigénétiques liés à la réponse au stress, l’inflammation et le vieillissement cellulaire qui sont des facteurs de risques pour la plupart des maladies chroniques.
Dans le cerveau, le stress provoque l’atrophie de certaines zones comme l’hippocampe ou le cortex préfrontal, de zones qui sont importantes notamment pour la mémoire, l’apprentissage, la planification, la prise de décision. Mais également l’hypertrophie de l’amygdale qui intervient sur la régulation émotionnelle. Et cela génère plus de sensations négatives comme la peur, l’agressivité ou l’anxiété.
Au niveau cellulaire, le stress psychologique diminue la réponse immunitaire. Et il génère de l’inflammation, qui si elle dure trop longtemps ou de manière répétée peut entraîner des altérations au niveau des tissus. Il créé aussi des mécanismes qui accélèrent le vieillissement cellulaire. Tous ces mécanismes toxiques du stress chronique sont liés à l’épigénétique. C’est pour ça qu’on essaye de savoir si la méditation pouvait influencer les mécanismes épigénétiques liés à la réponse au stress, l’inflammation et le vieillissement cellulaire qui sont des facteurs de risques pour la plupart des maladies chroniques.
Des études ont été menées sur des panels de méditants. Quels enseignements en ont été tirés ?
Au niveau de la méditation, des études scientifiques ont montré que chez des méditants experts, qui ont plus de 3 ans d’expérience dans la méditation et qui la pratiquent au moins 30 minutes chaque jour, des changements épigénétiques s’opèrent sur les cellules immunitaires. Ils sont donc également mieux armés face à des situations de stress aigus. Et dans le même temps, il y a une diminution des marqueurs d’inflammation. On n’observe pas ces particularités chez les personnes non-méditantes. En conclusion : la pratique de la méditation peut donc provoquer des changements épigénétiques bénéfiques au niveau cellulaire et au niveau de la méthylation de l’ADN, une des marques épigénétiques les plus étudiées. La méditation agit notamment sur les gènes chargés de réguler le vieillissement cellulaire. On a vu que les méditants experts ont une vitesse de vieillissement épigénétique, qui se mesure par le niveau de méthylation de l’ADN sur certains gènes, plus lente. Et on constate un rapport entre les années de pratique de la méditation et le vieillissement cellulaire : plus les méditants ont médité depuis de nombreuses années, plus leur vitesse de vieillissement épigénétique est ralentie. Cela pourrait être lié à un risque diminué de maladies chroniques, mais il faut encore plus d’études pour prouver cette association.
La méditation permet donc de moduler les gènes ?
La méditation ne peut pas modifier l’ADN mais elle peut modifier l’activité des gènes. Par exemple, nous avons montré que la pratique de méditation diminue l’activité de gènes inflammatoires et modifie l’expression des gènes qui régulent les télomères qui sont des séquences d’ADN au bout des chromosomes. En vieillissant ils se raccourcissent, leur longueur est donc un indicateur de l’âge biologique et s’associe au risque de maladies chroniques. Une de nos dernières études a montré qu’après une retraite de méditation de 3 semaines avec des méditants experts, leurs télomères s’étaient allongés et on relevait des changements sur plus de 20 gènes liés à la régulation des télomères.
Si la méditation module l’expression de nos gènes, est-ce un patrimoine que l’on transmet à nos enfants ?
Certaines modifications épigénétiques peuvent être très dynamiques, c’est-à-dire qu’elles vont s’éliminer au bout de quelques heures, tandis que d’autres peuvent nous accompagner tout au long de notre vie. On découvre aujourd’hui, surtout par des études chez des modèles animaux, que les modifications épigénétiques provoqués par des expériences adverses peuvent se transmettre de génération en génération mais peuvent aussi, et c’est un grand espoir, être réversibles. Chez l´homme certaines études suggèrent aussi que le stress chronique et les traumatismes psychologiques vécues par mères pendant la grossesse ou par les pères avant la conception pourraient induire des changements épigénétiques sur des gènes qui modulent la réponse au stress transmissibles aux enfants. Mais on ne sait pas encore si la réduction du stress par des techniques de méditation peut jouer un rôle pour prévenir ou contrecarrer ces effets. Ce n’est encore qu’une hypothèse.