♦ Baisse du nombre de reprises depuis 2013 (apparemment toute taille de société)
76 000 reprises en 2013, 50 877 entreprises en 2016 (-33 %). Cette baisse est transversale à toutes les catégories de taille, mais les ETI et les TPE artisanales ont connu les plus fortes chutes (67 et 54 %).Noter que les cessions n’ont pas pu être identifiées pour les personnes physiques (dont les professions libérales); certaines modalités n’ont pas pu être prises en compte, comme les transmissions familiales des entreprises artisanales ou les ventes via des holdings des sociétés commerciales de TPE; il convient sans doute de réévaluer la mesure pour les évaluer à 60 000 en 2016, vs une moyenne 2013-2016 de l’ordre de 80 000.
En 2016, les cessations comptent 163 876 entreprises et les reprises 50 877 entreprises (hors les reprises manquantes évoquées ci-dessus), avec des taux de reprise croissants au fil des taille allant croissant. (0, 8 % pour les sans salarié, 1,9 pour les 1-5 salariés, 3 pour les 6-9 salariés, 4,6 pour les 10-49 salariés, 8,5 pour les 50-249 salariés et 13,3 % pour les ETI). Les créations 2016 ne sont pas prises en compte.Noter encore que les TPE comptent pour 78 % des entreprises reprises, mais seulement pour 11 % des emplois concernés par la reprise, alors qu’ils sont 58 % des emplois disparus.
Les TPE disparaissent toujours deux fois plus que les PME et ETI, mais elles sont désormais quatre fois moins reprises. En 2014, les taux de cession et de disparition, qui évoluent dans des sens opposés en fonction de la taille des entreprises, s’équilibraient pour les TPE de 3 à 5 salariés. En 2016, cet équilibre n’est atteint qu’à partir de la catégorie des sociétés de 6 à 9 salariés.
En termes de localisation, le Grand Ouest et le bassin rhônalpin sont les territoires où il est le plus fréquent qu’une société soit reprise, tandis qu’à l’inverse le taux de cession est particulièrement faible dans le quart nord-est du pays.
Au final, les principaux facteurs explicatifs du taux de cession des PME et ETI sont d’abord la taille, puis l’âge et le secteur d’activité.
♦ Le vieillissement des dirigeants dans les PME et ETI
Les dirigeants de plus de 60 ans ont une part plus importante au sein des dirigeants d’entreprise : 20,5 % des dirigeants ont en 2016, 60 ans et plus vs autour de 20% entre 2011 et 2015, 17,4 % en 2010 et 14,6 % en 2005; la part des 66 ans et plus est passée de 6,2 à 8,3 % entre 2010 et 2016, et serait portée à 10,5 % en 2021.Toutefois, parmi les dirigeants de 65 ans et plus, leur part entre 2013 et 2016 a baissé de 37 %, alors que celle des quadragénaires n’a baissé que de 28 %. 2 explications : faute de possibilité de cession, les patrons de PME pourraient, comme c’est souvent le cas pour les TPE de moins de cinq salariés, privilégier une cessation pure et simple de leur activité, ou tout autant rester à la barre de leur entreprise malgré l’avancement en âge.
La part des ventes ou des transmissions au-delà de 60 ans représente traditionnellement un peu moins de 30 % des opérations menées par l’ensemble des classes d’âge; en 2016, elle s’est établie à 28 % (3 200 cessions à comparer à une moyenne annuelle de 4 300 en 2013-2014).
La part des dirigeants de plus de 65 ans est spécialement élevée dans trois zones (faible densité et recul démographique), qui va des Ardennes et de la Meuse aux Pyrénées-Orientales en passant par la Nièvre, la Creuse et le Gers. Elle est également très marquée au nord-ouest, de l’ancienne région Picardie à l’Orne, et dans le sud-est, de la Corse à la Lozère. À l’inverse, dans les écosystèmes de référence pour les entreprises moyennes et les ETI (Rhône-Alpes, le Grand Ouest) et dans la plupart des zones d’influence des métropoles, ce phénomène est beaucoup moins marqué.
Un exercice de typologie prenant en compte, outre la structure par âge, le rythme du vieillissement ou la fréquence des cessions et des disparitions, notamment après 60 ans, conduit à distinguer 7 groupes de départements, classés ici dans un ordre décroissant de fragilité.
⇒ Tout d’abord 3 groupes :
Avec une trentaine de départements, comptant pour 27 % des PME et ETI françaises dont le dirigeant a plus de 65 ans, présentent, à des degrés divers, des indicateurs très préoccupants quant au renouvellement de leur tissu de PME. Pour autant, cet ensemble n’est pas homogène puisqu’il agrège certes des départements ruraux en recul démographique et économique mais aussi des départements relevant de la zone d’influence de grandes métropoles.
- Le groupe A (la Nièvre, l’Indre, le Gers, la Lozère, les Alpes-de-Haute-Provence, la Haute-Corse et la Corse-du-Sud):; la situation est la plus critique au regard de la part des dirigeants de plus de 65 ans, qui dépasse 12% et s’accroît de façon préoccupante malgré des taux de cession et de transmission familiale déjà élevés.
- Dans le groupe B, composé de neuf départements (ultramarins mais aussi Oise, Creuse, Aude, Dordogne…), le vieillissement est certes moins marqué mais s’accentue sous l’effet d’un taux de cession très faible.
- Le groupe C est un peu moins préoccupant en ce qui concerne l’âge mais on constate une forte propension à la disparition (judiciaire ou non), autre expression de la fragilité du tissu économique territorial. Le profil de ce groupe est moins rural puisqu’il englobe, outre l’essentiel de la région Hauts-de-France, le littoral méditerranéen des Alpes-Maritimes aux Bouche-du-Rhône et certains des départements les moins riches d’Île-de-France.
- Le groupe D (représentatif de la situation nationale) : avec des taux de cession et de transmission familiale souvent élevés, localisés dans l’Eure, les Vosges, le Vaucluse ou le Gard.
- Le groupe E comprend 23 départements, principalement associés à des grandes aires urbaines et/ou situés dans l’ouest du pays et en Île-de-France; hormis Paris, les Hautes-Alpes ou l’Allier, la proportion de chefs d’entreprise au-delà de 65 ans y est nettement inférieure à la moyenne nationale et progresse peu. En Île-de-France et dans les zones d’influence des métropoles régionales, la création de PME et la transformation des TPE en PME sont les principaux facteurs stabilisant « par le bas » la structure par âge. Le tissu productif est sans doute plus jeune dans les autres départements.
- Le groupe F est associé à des aires urbaines de densité moyenne (Yonne, Deux-Sèvres, Sarthe, Indre-et-Loire, Cantal, Saône-et-Loire, Moselle). À côté de transferts onéreux et de transmissions familiales très fréquents, le recours à la disparition judiciaire ou à la fermeture par défaut comme facteur de régulation y est aussi supérieur à la moyenne.
- En revanche, l’option de la cessation ne semble pas nécessaire pour éviter le vieillissement du groupe G, davantage représenté dans des écosystèmes régionaux traditionnellement favorables aux PME (Rhône-Alpes, le Grand Ouest ou l’Île-de-France). En l’occurrence, le Doubs, l’Ain, le Rhône et la Loire, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, le Maine-et-Loire et la Vendée, les Hauts-de-Seine assurent un renouvellement optimal de leur tissu de PME et d’ETI en fin d’activité professionnelle.
Huit logiques sectorielles en fin d’activité : Dans une approche macrosectorielle, les trois secteurs où la structure par âge des dirigeants est la plus préoccupante sont, par ordre croissant, le commerce de gros, l’industrie et les activités immobilières : la part des plus de 60 ans y atteint respectivement 24, 26 et 28 % et celle des 66 ans et plus dépasse 11 %.
L’industrie est l’un des rares secteurs où le taux de disparition au-delà des 60 ans du dirigeant s’est accru depuis 2013. Sans atteindre le même degré de gravité, deux autres secteurs suivent avec retard la même trajectoire que l’industrie (les activités spécialisées scientifiques et techniques et les autres services voient à la fois reculer leur taux de cession après 60 ans et s’accélérer leur vieillissement, via notamment la part des 66 ans et plus).
Le cas de l’industrie
La plupart des sous-secteurs industriels appartiennent aux cinq premiers groupes, les plus touchés par le vieillissement, avec 25 à 30 % de dirigeants de plus de 60 ans, et entre 9 et 16 % la proportion des plus de 65 ans.
L’industrie est à la fois le secteur où le vieillissement a le plus progressé sur la période 2013-2016 et celui où le taux de cession en fin d’activité a le plus régressé : respectivement de 44 % après 60 ans et de 54% après 65 ans. Le pic des opérations non familiales intervient à 62-63 ans, avec un taux de cession qui atteint 5 % puis se réduit drastiquement pour se stabiliser à environ 2,5 % après 67 ans.
« À l’image de ce secteur crucial, notre pays n’est-il pas en train de laisser passer l’opportunité d’assurer le renouvellement démographique de son tissu de PME ? "
♦ La transmission familiale
Le nombre d’opérations a légèrement progressé pour atteindre 2 451 en 2016 et le taux de transmission s’est stabilisé à 1,15 % des PME et ETI; dans un contexte de baisse drastique de l’ensemble des cessions, leur part a atteint un record en 2016 : 22 % contre moins de 17 en 2013. Noter qu’elles sont comprises entre 16,8 % et 21,3 % au sein des TPE, et au sein des PME entre 12 % (entreprises de 50 à 249 salariés) et 25,8 % (entreprises de 10 à 49 salariés) et 23,1 % pour les ETI.Sa bonne santé est particulièrement sensible dans ses bastions sectoriels traditionnels (le commerce de détail, la construction, le transport et l’industrie agro-alimentaire, avec un quart des opérations en 2015-2016), elle reste marginale dans les services aux entreprises. L’hôtellerie-restauration est toujours un peu moins sensible que la moyenne à cette pratique mais deux catégories d’activités semblent avoir connu des évolutions significatives entre 2013 et 2016, les services aux particuliers et la santé-éducation (28 % des opérations totales en 2016). La fréquence de la transmission familiale a plutôt reculé dans l’industrie.
La transmission familiale est particulièrement fréquente et représente en moyenne un tiers des opérations totales pour le Haut-Rhin, l’Yonne, le Jura, le Territoire de Belfort, les Deux-Sèvres, l’Ariège, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Orientales. Elle est un peu moins fréquente mais aussi déterminante dans certains départements qui ont parfois une tradition industrielle mais ne bénéficient pas de l’effet d’entraînement des métropoles régionales, à l’image du Cher ou de la Saône-et-Loire. Dans ces dix départements, elle contribue manifestement à freiner le vieillissement des dirigeants, dont la part des 66 ans et plus est significativement inférieure à la moyenne nationale.
En revanche, dans le cas de l’Eure, de l’Indre, de la Nièvre, de la Dordogne, du Gers, de la Lozère et de la Haute-Corse, elle va de pair avec un vieillissement accentué.
La vitalité de la transmission familiale n’est toutefois pas généralisée; elle dissimule deux tendances opposées : cette pratique s’est diffusée parmi les petites entreprises mais a nettement reflué parmi les entités de taille plus importante, notamment pour les entreprises de 100 à 249 salariés (de 1,1 % à 0,8 entre 2013 et 2016) et pour les ETI (de 0,9 % à 0,5 sur la même période).
Enfin rappelons que les travaux de BPCE L’Observatoire publiés en 2017 ont mis en évidence un taux de survie à trois ans des transmissions familiales supérieur à la moyenne des cessions.
♦ Une première évaluation de la reprise en Europe des PME et ETI
Les PME et ETI du champ privé marchand non agricole et non financier représentent plus de 1,7 million d’entreprises en Europe et près de 100 millions d’emplois. En partant du taux de cession moyen des PME et ETI en France entre 2014 et 2016, on estime qu’environ 100 000 PME et ETI seraient cédées chaque année au sein de l’UE et que plus de 10 millions d’emplois seraient concernés. Au sein de la zone euro à 19 pays, 72 000 des 1,2 million de PME et d’ETI seraient transmises avec un impact sur 6,6 millions d’emplois.La France représente plus de 8,5 % du marché européen de la cession-transmission et 11,4 % des emplois concernés. À titre de comparaison, l’Allemagne pèserait pour un quart des cessions de l’UE (26 000 PME et ETI) et 22,5% des emplois concernés, et les PME italiennes représenteraient 10,5 % des cessions (10 800 opérations), mais seulement 7,2 % des emplois associés.
Cette évaluation ne tient pas compte de certaines spécificités nationales, telles la structure
capitalistique des ETI familiales du Mittelstand allemand où l’on recourt davantage à la transmission familiale.
En savoir davantage : https://newsroom.groupebpce.fr/actualites/enrayer-la-baisse-des-cessions-transmissions-un-enjeu-de-competitivite-pour-la-france-a192-7b707.html
Source : "LA CESSION-TRANSMISSION DES ENTREPRISES EN FRANCE, bilan 2016", BPCE l'Observatoire, les cahiers, mai 2019
MÉTHODOLOGIE : Le périmètre est celui des entreprises (définition LME à priori ? Y compris pour les comparaisons avec les chiffres en Europe) de métropole et des DOM du secteur privé marchand hors secteurs agricole, financier et assurantiel, qui ont eu dans l’année. entre 10 et 4 999 salariés, soit 213 725 unités, dont 5 028 ETI (de 250 à 4 999 salariés) et 208 697 PME (de 10 à 249 salariés). Les personnes morales à caractère public ou parapublic, civil, coopératif, mutualiste, associatif ainsi que les GIE en sont exclus. Ce périmètre est celui de l’analyse et non du chiffrement du flux des reprises.L’effectif a été privilégié aux autres critères définis par la LME, car il est transversal à l’ensemble des bases de données utilisées (Sirène, Infolégale, Corpfin, Insee) et constitue un repère simple et stable dans le temps.