« Dans un contexte de chômage élevé, la part des projets de recrutement jugés « difficiles » par les entreprises françaises a considérablement augmenté au cours des dernières années, passant de 32,4 % à 44,4 % entre 2015 et 2018. La formation insuffisante des candidats et leur manque de compétences figurent parmi les motifs les plus souvent invoqués par les employeurs pour expliquer ce paradoxe. L'analyse ne peut toutefois pas se limiter à souligner les insuffisances des candidats. Elle doit aussi porter sur la capacité des entreprises à identifier, à mobiliser et à faire évoluer les compétences de leurs salariés. Cette « gestion des compétences » présente en effet plusieurs avantages : elle favorise l'embauche des profils dont les entreprises ont besoin, elle permet de mieux absorber les chocs technologiques ou économiques et enfin elle accompagne les changements dans l'organisation du travail.
Pourtant, seulement un quart des entreprises du secteur privé s'engagent de manière systématique dans une démarche de gestion des compétences, avec des écarts marqués qui tiennent principalement à la taille de l'entreprise et au secteur d'activité.
3 niveaux d'intensité de la gestion des compétences sont retenus :
* toute entreprise dont l'indice est compris entre 0 et 0,33 inclus est considérée comme ne pratiquant pas la gestion des compétences, ou de manière faible (38 % des entreprises) ;* toute entreprise dont l'indice est supérieur à 0,33 et inférieur ou égal à 0,67 est considérée comme pratiquant une gestion des compétences modérée (37 % des entreprises) ;
* toute entreprise dont l'indice est supérieur à 0,67 et inférieur ou égal à 1 est considérée comme pratiquant une gestion des compétences systématique (25 % des entreprises).
Quelles sont les caractéristiques des entreprises qui mettent en place systématiquement la gestion des compétences ?
⇒ C'est d'abord une question de taille, les plus petites entreprises y accédant peu, contrairement aux entreprise de 50 salariés et plus ; introduisons toutefois le fait que les petites entreprises peuvent pratiquer une « gestion » informelle et intuitive, non encadrée par des outils ad hoc.% d'entreprises et gestion des compétences | 3-9 sal. | 10-19 sal. | 20-49 sal. | 50-249 sal. | 250-499 sal. | 500 et plus |
Pas ou peu d'action en ce sens | 48 | 26 | 17 | 4 | 0 à 4 | |
Action modérée | 37 | 41 | 40 | 27 | 20 | 5 à 6 |
Action systématique | 15 | 33 | 43 | 66 | 80 | 90 à 95 |
⇒ C'est aussi une question d'activité, les services et l'industrie y ont bien plus recours que les activités plus « traditionnelles », telle la construction, les HCR, le commerce, les services aux particuliers vs l'industrie et les services aux entreprises (question à la fois de culture, de clientèle et de taille). Dans les secteurs, notamment à haute valeur ajoutée, l'investissement dans les compétences des salariés apparaît comme une condition nécessaire pour faire face aux mutations en cours.
⇒ C'est aussi une question de la gestion interne : la présence d'un service de ressources humaines formel et de représentants du personnel joue positivement sur la probabilité d'un recours systématique à une gestion des compétences.
Une entreprise affichant de bonnes performances économiques au cours des dernières années est également plus susceptible de mettre en place une gestion des compétences systématique.
⇒ Gérer les compétences apparaît dans certaines entreprises comme un moyen de réduire les difficultés de recrutement en emplois qualifiés. En revanche, les entreprises ayant des difficultés de recrutement pour des emplois non qualifiés ont une probabilité inférieure de s'engager dans une GPEC systématique.
⇒ Les entreprises où l'innovation est au cœur du processus productif ont une probabilité de mettre en place une gestion des compétences systématique, près de 4 fois supérieure aux entreprises où l'innovation n'est pas une variable à prendre en considération.
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Sources : "Quelles entreprises pratiquent la gestion des compétences ? " France Stratégie, la note d'analyse N°77, avril 2019
Méthodologie : Pour disposer d'une mesure suffisamment robuste, qui ne simplifie pas excessivement la réalité complexe et multiforme des démarches GPEC, cette note privilégie un indicateur d'intensité de gestion des compétences. La construction de cet indicateur s'appuie sur le Dispositif d'enquêtes sur les formations et itinéraires des salariés (Defis), piloté conjointement par le Céreq (Centre d'études et de recherches sur les qualifications) et le CNEFP (Conseil national d'évaluations de la formation professionnelle). Le volet « entreprises » de cette enquête comprend en effet, pour l'année 2015, un important échantillon de 4 500 entreprises, représentatives des établissements privés de trois salariés ou plus dans tous les secteurs d'activité (hors agriculture).