⇒ Une situation bien particulière :
♦ Le taux de chômage est de 6,7 % en Vendée contre 8,8 % en moyenne nationale. Les Herbiers affichent 4,4 %, 6,9 % à La Roche-sur-Yon et 8 % à Fontenay-le-Comte.♦ Alors que l’Hexagone a détruit des emplois entre 2007 et 2017, la Vendée a continué à en créer ; elle abrite deux fois moins de bénéficiaires du RSA que la moyenne nationale.
♦ L’économie vendéenne est très diversifiée : le département vit de l’agriculture et de l’élevage, de l’industrie (surtout agroalimentaire, et un peu de métallurgie) et des services, en particulier sur la côte (tourisme et retraités).
♦ Les entreprises emploient en majorité moins de 250 salariés, et sont avant tout des entreprises familiales. En France, 45 % des salariés dépendent d’un centre de décision économique extérieur à leur région (chiffre hors Île-de-France), contre seulement 30 % en Vendée.
Certaines d’entre elles se sont beaucoup développées et ont exporté : de Fleury-Michon à Sodebo, en passant par Air Caraïbes ou les vérandas Akena, et la très médiatique course à la voile autour du monde en solitaire du Vendée Globe, au départ des Sables-d’Olonne.
♦ La Vendée compte deux autoroutes (liaisons Nantes-Bordeaux et Paris-Les Sables-d’Olonne) et une liaison TGV directe entre Paris et Les Sables-d’Olonne.
⇒ Alors à quoi est dû ce sucés ?
♦ Une œuvre entrepreneuriale fondée sur deux moteurs typiquement vendéens : un enracinement fort conjugué à une tradition d’ouverture et d’innovation, et qui s’exporte.Les guerres vendéennes de 1793, la guerre de Cent Ans, les guerres de religion ont forgé une culture de l’adversité, poussant les habitants à se prendre en main, sans attendre aucun soutien de l’État.
Un illustration : « Une fin de soirée au cœur de l’été, au Puy du Fou en Vendée. Debout dans les tribunes, 13 000 spectateurs applaudissent à tout rompre les 800 acteurs de la Cinéscénie, le spectacle historique en plein air créé par Philippe de Villiers ; 800 bénévoles costumés, venus saluer le public à l’issue du feu d’artifice final pour cette fresque historique sur la Vendée et la France grandeur nature. »
♦ Autre atout clé : un ancrage familial qui se conjugue à l’enracinement territorial, la plupart des entreprises gardant leur siège social et leurs usines en Vendée. Par ailleurs, le long terme l’emporte sur la seule lecture du compte de résultats.
♦ Et une solidarité entre entrepreneurs et entre salariés et entrepreneurs :
« Entre patrons, on se connaît, on échange régulièrement et on travaille ensemble quand c’est possible », Certains vont jusqu’à parler de « confrérie » pour désigner les liens étroits et parfois capitalistiques, voire familiaux, entre patrons vendéens.
« Du côté des salariés, on trouve plus motivant de se retrousser les manches pour une entreprise du cru ». il y a d’ailleurs très peu de niveaux hiérarchiques ; le dialogue direct plutôt que le syndicalisme.
L’historien d’origine bretonne Alain Gérard, cofondateur du Centre vendéen de recherches historiques, estime pour sa part qu’ « il y a ici comme partout des abus, de part et d’autre. Mais il existe un pacte non écrit : les patrons travaillent avant tout pour faire vivre les gens, ils n’amassent donc pas exagérément de dividendes, et les salariés sont conscients que la pérennité de l’entreprise passe avant tout. »
« Il y a d’autant moins d’opposition patronat-salariés que la plupart des patrons sont eux-mêmes issus du monde ouvrier, du petit commerce ou de l’artisanat et sont, le plus souvent, partis de rien. »
La proximité entre patrons et ouvriers est renforcée par leur fréquentation commune des associations – elles aussi foisonnantes : « Ils vivent souvent dans le même village et se retrouvent dans ces associations où les hiérarchies sont régulièrement inversées ».
Pour Alain Gérard, « cette extraordinaire liberté d’esprit des chefs d’entreprise vendéens les rend à la fois pragmatiques, inventifs et créatifs… Une autre explication de ce dynamisme vient du fait que « l’altruisme fait partie de l’ADN vendéen ».
Et puis, on trouve des parcs économiques créés dans les années 1980, à chaque bretelle d’autoroute.
⇒ Ce modèle vendéen peut-il durer, dans un environnement économique où la concurrence devient de plus en plus mondiale et violente ?
Pour l’économiste Laurent Davezies, la Vendée a construit son succès sur un héritage historique propre à ce département. Il s’explique ensuite.Ce miracle économique vendéen …est d’autant plus surprenant que, sur le papier, la Vendée ne remplit aucun des critères que l’on trouve habituellement dans les économies territoriales les plus dynamiques : pas de grande métropole qui attire et fédère des activités, ni de ressource naturelle à exploiter, pas d’infrastructures routières extrêmement denses, moins de cadres et ingénieurs (9 % vs 17 en moyenne nationale et 30 % en Île-de-France) et plus d’ouvriers (30 % vs 13 % en Île-de-France et 21 % en moyenne nationale).
« La solidarité de la population vendéenne s’est tissée autour de la religion et du souvenir commun d’avoir été massacrée durant les guerres vendéennes de 1793. L’État a ensuite complètement ignoré les Vendéens qui ont appris à créer des activités à partir de rien ou presque, notamment grâce à un contrat social entre les patrons et leurs salariés. C’est un pacte territorial propre à ce lieu. »
Mais « Il s’agit d’un modèle à forte intensité de main-d’œuvre ouvrière peu qualifiée, et donc soumis à des risques de délocalisation compte tenu de la concurrence croissante dans le monde…. Ce département doit aussi relever le défi de la pénurie de main-d’œuvre.
En fait « Il s’agit d’un modèle qui n’est pas transposable, tant l’épaisseur historique pèse lourd dans l’explication de son succès. Or cet élément-là n’est pas duplicable. »
"Sur les traces du miracle économique vendéen", La Croix du 27 juillet 2019