Fondation d'entreprise
 
 
Gaël Chételat
Santé 
Fondation 
12 oct 2020

L'ABC des experts : La méditation avec Gaël Chételat

Découvrez l'entretien et les conseils de la chercheuse en neurosciences Gaêl Chételat présents dans le guide de la Fondation MMA "L'entrepreneur en forme".

Depuis combien de temps et pourquoi vous êtes-vous intéressée à la méditation ?

Je me suis intéressée à la méditation depuis plus de 10 
ans pour des raisons d’intérêt personnel d’abord, puis j’ai étudié dans différentes formations notamment le DU 
de Médecine Méditation Neurosciences à Strasbourg
 avec Jean-Gérard Bloch. Là j’ai pu renforcer ma pratique personnelle mais aussi sur le plan professionnel, j’ai pu développer mes connaissances scientifiques sur le sujet
 et établir les premiers contacts avec des experts dans le domaine. Ce renforcement s’est fait en parallèle avec mes recherches sur le vieillissement et la maladie d’Alzheimer. On reconnait de plus en plus l’impact des facteurs environnementaux parmi lesquels le stress, la dépression, l’anxiété les problèmes de sommeil. Ils créent un risque accru de développer des maladies neurodégénératives et de façon plus générale dégradent la qualité de vie des personnes quand elles prennent de l’âge.

Ces constats parallèles, mon intérêt personnel pour la méditation et l’évolution de mes recherches sur les facteurs environnementaux et la prévention de la dépression, anxiété stress m’ont conduit à m’intéresser à la méditation appliquée aux populations âgées, à la fois pour améliorer la qualité de vie des personnes alors qu’elles prennent de l’âge mais aussi plus spécifiquement pour prévenir les maladies neurodégénératives.

meditation

L'âge est toujours une limite qui est difficile à donner, mais à partir de quand peut-on parler véritablement de personne âgée, sachant d'ailleurs que cette limite a changé au fil du temps ?

Aujourd’hui dans les études scientifiques comme celles que l’on mène dans notre projet européen, nous étudions des personnes âgées de plus de 65 ans. C’est d’ailleurs un âge relativement jeune aujourd’hui, mais il a été choisi pour les études, car en termes de faisabilité on a du mal à recruter dans les personnes au-delà de 70 ans, on a tout un tas de critère d’inclusion ou d’exclusion et ce sont des études lourdes. Cela dit, on peut parler réellement du vieillissement à partir de 20 ans, tout dépend ce que l’on étudie. Si on s’intéresse au volume cérébral par exemple, qui dans certaines régions commence à diminuer de façon très précoce (dès l’âge de 20 ans, voire avant), on comprend qu’il est donc difficile de mettre une borne fixe.

L’âge de la retraite est aussi un bon indicateur, bien que cela dépende des politiques ; cela nous indique un âge à partir duquel il est important de continuer à vivre en bonne santé.

Sur quels éléments évoqués ci-dessus, la méditation a-t-elle démontré son efficacité ? 

Chez la personne jeune, on a plus de recul en ce qui concerne la méditation, et on a des études qui ont montré un impact positif à la fois sur le cerveau en termes de structure et de fonctionnement cérébral ; mais aussi en termes de performances cognitives notamment sur les capacités attentionnelles, mais aussi possiblement de mémoire. Des travaux ont également montré un effet positif sur certains facteurs biologiques comme l’activité des télomérases mais aussi sur des marqueurs cardiovasculaires, les facteurs psychoaffectifs mentionnés plus tôt (anxiété, dépression et stress) mais également le sentiment de solitude et d’exclusion sociale. C’est ce que l’on connait aujourd’hui, mais il faut être conscient que c’est en rapport avec des recherches qui sont beaucoup plus anciennes. Dans les recherches récentes les résultats sont encore à prendre avec prudence. Il est nécessaire de mener des études bien contrôlées sur de larges échantillons pour confirmer ces résultats.

D’autre part comme je l’ai dit, dans le vieillissement, on a tous ces indices qui nous laissent penser que la méditation peut être une intervention particulièrement bénéfique, mais il n’y a pas aujourd’hui d’étude fiable sur une longue durée suffisamment contrôlée pour valider cette hypothèse, donc il faut encore attendre. C’est notamment dans cette optique que nous menons ce large projet européen H2020 Silver Santé Study.

Certaines personnes qui essayent la méditation ne trouvent pas ça très agréable au début. Que leur dire ?

Personnellement je suis convaincue que cela demande un effort au départ à la fois en termes d’investissement et de temps. On ne peut pas devenir musclé en ne travaillant que quelques minutes une fois par semaine. Je pense que c’est un exercice qui n’est pas anodin, c’est accessible à tout le monde, mais qu’il y a besoin d’un réel investissement qui doit venir d’un réel souhait au départ de prendre le temps qu’il faut pour apprendre comment méditer avec la bonne approche, dans la bonne direction. Donc, ça peut être important de faire une petite retraite, un stage, d’y consacrer un peu de temps au départ pour ensuite pouvoir pratiquer sur des temps plus courts qui pourront s’insérer parfaitement dans la vie d’un travailleur y compris un chef d’entreprise. Quand on a acquis une certaine expérience et expertise dans le domaine on peut méditer sur une courte période dans la journée. Tout le monde a un temps où il attend devant la machine à café, dans sa voiture, en attendant le bus, pendant qu’il monte les escaliers et dans tous ces moments-là, il est possible de pratiquer la méditation. Quoiqu’il en soit, au final, on est gagnant ; lorsque la tête est trop pleine et qu’on ne prend pas le temps de se rendre disponible mentalement, on est réellement moins efficace.

C’est en effet un bon argument ! Car ce que l’on considère comme une perte de temps augmente la qualité attention- nelle : la performance intellectuelle va s’améliorer si l’on a une pratique régulière de la méditation. Il y a un deuxième point plus difficile à aborder, c’est l’importance du bien être. Cela permet de se sentir bien, d’accepter d’avoir des conflits, d’accepter de prendre des décisions. Méditer, ce n’est pas uniquement gagner du temps, avoir un esprit libre et être plus performant, c’est aussi une façon d’atteindre un bien-être et je pense que ça aussi c’est important, y compris pour les chefs d’entreprise.

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Docteur en sciences, Directrice de recherche à l'INSERM.
Equipe INSERM "Neuro-imagerie multimodale et facteurs de vie dans le vieillissement normal et les démences" dans l'unité l'INSERM U1237 PHIND, centre Cyceron, Caen.


 

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