⇒ Les femmes dans l'emploi, notamment le salariat :
La proportion de femmes actives occupant des postes d'employée ou ouvrière non qualifiée est beaucoup plus importante que celle des hommes (26% contre 15%); le rapport est inverse concernant les postes de cadre (16% contre 21%) ; leur part dans l'emploi des cadres est passé d'un peu plus de 30% à 41,6%.⇒ La place des femmes dans la création d'entreprise
S'agissant des entreprises individuelles, les femmes représentent 40% des créations en 2019. Cette proportion est stable depuis 2015. S'agissant de l'ensemble des entreprises, elles sont 30%, une proportion qui n'a pas augmenté depuis la fin des années 2000.- Par ailleurs, les hommes sont beaucoup plus nombreux à s'inscrire dans une démarche entrepreneuriale (37% contre 23% des femmes en 2018). Si l'intérêt pour l'entrepreneuriat comme choix possible d'orientation professionnelle est quasiment équivalent à celui des hommes (82% vs 86% pour les hommes), l'intention de créer une entreprise est plus modeste (17% vs 21% selon l'indice 2018 de Bpi), et la concrétisation plus modeste encore : la part des cheffes d'entreprise (9%) et ex-cheffes d'entreprise (8%) dans la population active féminine est bien moindre que celle des hommes (respectivement 15% et 19%).
- En termes de motivation, les entrepreneures sont plus sensibles au sens de la démarche entrepreneuriale, à son adéquation avec leurs valeurs et convictions, et à son impact sociétal, à la meilleure articulation entre vie personnelle et vie professionnelle ou encore la volonté de contourner le plafond de verre, pour les plus diplômées. Enfin, les femmes se situent davantage dans l'objectif de créer leur propre emploi pour assurer leur autonomie.
- Les caractéristiques de l'entrepreneuriat des femmes (pour les entreprises individuelles seulement) : leur part diminue à raison du nombre de personnes salariées au sein de l'entreprise créée : de 25% des entreprises dont l'effectif salarié est compris entre 1 et 2, à 18% pour les entreprises dont l'effectif est de 10 ou plus.
Des entreprises tout aussi performantes et durables : en 2015, une étude ( (Women Equity)) menée sur plus de 32 000 PME françaises de croissance, montrait une « surperformance » de celles dirigées par des femmes, comparées par secteur et par classe de chiffre d'affaires.
Quant aux entreprises innovantes, une étude menée en 2018 a montré que la performance mesurée en termes de chiffre d'affaires des startups fondées par des femmes était supérieure à celle des startups fondées par les hommes (10% de chiffre d'affaires en plus à 5 ans).
⇒ Les cheffes d'entreprise dans différents secteurs d'activité
- Les femmes dans l'artisanat : 23% des patrons d'entreprises artisanales sont des femmes, contre 11% en 1971; cette féminisation reste très polarisée dans certains secteurs, surtout dans les activités de service (la coiffure avec 81% de femmes dirigeantes, les soins de beauté avec 96%, la fabrication textile, de vêtements, avec 82%).
- Les femmes dans l'économie sociale et solidaire : d'après les données du mouvement des entrepreneurs sociaux, un entrepreneur social sur trois est une femme, avec une concentration dans les services sociaux et la santé, et des écarts de rémunération et de capital très importants : selon le réseau Manpower, 54% des hommes entrepreneurs sociaux ont des budgets annuels supérieurs à 500 000€ contre 19% des femmes ; au niveau de la rémunération, 57% des femmes gagnent entre 1 000 et 2 000€ par mois alors que la même proportion d'hommes gagne plus de 2 000€. Le statut d'entrepreneur salarié est particulièrement prisé par les femmes, qui sont majoritaires (57%) au sein des coopératives d'activité et d'emploi (CAE).
- Les femmes dans les startups de la "tech" : selon KPMG en 2018, seules 12,5% des startups qui ont levé des fonds étaient dirigées par des femmes, pour seulement 7,4% du montant total. Le montant du ticket moyen levé par les femmes reste quasiment la moitié du ticket moyen des hommes (respectivement 3,1M€ et 6M€).
- Les femmes dans les professions libérales : les femmes (en entreprise individuelle) représentent 50% de la population active libérale (soit une augmentation de 6 points depuis 2011) contre 37% pour l'ensemble des personnes non-salariées hors agriculture.
Au 1er janvier 2018, la proportion de femmes des autres professions est la suivante : notaires (43%), greffiers des tribunaux de commerce (38%), huissiers de justice (36%), commissaires-priseurs judiciaires (26%), avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation (25%).
En matière d'égalité des revenus, hors micro-entrepreneurs, les femmes gagnent en moyenne 38% de moins que les hommes et c'est dans les professions du droit que l'écart de revenu est le plus lourd (50%).
De fait 59% des femmes en libéral considèrent que le statut libéral n'est pas compatible avec la maternité ; 47% pensent que les difficultés familiales sont plus nombreuses en début de carrière (problème des horaires des structures de garde d'enfants peu compatibles avec l'activité libérale, exonérations quasi-inexistantes pour une aide à domicile, sans oublier la situation particulièrement fragile des foyers monoparentaux).
- Les femmes dans les instances de gouvernance et de direction : la féminisation des conseils d'administration des entreprises du SBF 120 atteint 45% en 2019, contre 8,5% en 2007. La France occupe désormais une position de pointe, loin devant l'Allemagne (30%), le Royaume-Uni (32%) et les États-Unis (28%). Par contre, le taux de féminisation dans les conseils d'administration et de surveillance n'est que de 31,4% (2018) dans les sociétés cotées hors SBF 120 et de 23,8% dans les sociétés non cotées de 500 personnes salariées et plus et au moins 50 millions d'euros de chiffre d'affaires. Il est inférieur à 18%, en 2017, pour les PME cotées sur Euronext Growth.
⇒ Des freins persistants
- La ségrégation genrée des métiers : les polarisations sectorielles observées dans l'entrepreneuriat sont similaires à celles constatées dans l'ensemble de l'économie (forte présence des femmes dans les secteurs de l'aide à la personne, du soin et du "care", faible présence dans les secteurs techniques et scientifiques). Beaucoup de métiers restent historiquement liés à une image masculine qui freine leur féminisation.
entrepreneures interrogées étaient en mesure de citer un exemple de femme entrepreneure inspirante.
Les femmes sont présentes dans de nombreux secteurs de l'entrepreneuriat, mais cette présence n'est pas suffisamment valorisée. De plus, le fait qu'un secteur d'activité soit stéréotypé comme "féminin", peut contribuer à le dévaloriser; ce constat est d'autant plus vrai quand le secteur d'activité est perçu "comme l'extension sur le marché, d'activités traditionnellement assurées par les femmes dans la sphère domestique".
- La confiance en sa capacité d'entreprendre : toutes les associations et réseaux auditionnés ont fait valoir que les femmes doutent davantage que les hommes de leur capacité à réussir, de sorte qu'elles sont moins nombreuses à concrétiser leur projet. De même, dans le monde salarié, les femmes ont davantage tendance à se former avant de monter en responsabilité.
- Les différentes études sur les motivations entrepreneuriales mettent en évidence une aversion pour le risque, supérieure chez les femmes entrepreneures. Elles expriment plus fréquemment que les hommes leur crainte d'une perte de revenu et de leur équilibre familial. Cette aversion pour le risque financier n'impacte pas seulement le nombre de femmes osant "franchir le pas". Il réduit également les chances de pérennité de leurs entreprises dans la mesure où ces entrepreneures tendent à solliciter moins de financements lors du lancement de leur activité par crainte d'un endettement excessif et à raison d'une plus grande préoccupation portée aux conséquences sur le budget du ménage.
- La persistance d'un "frein culturel" dans la relation à l'argent : beaucoup de femmes préfèrent présenter leur démarche entrepreneuriale sous l'angle du projet plutôt que de la performance attendue. Ces freins culturels entraînent également des réticences à l'endettement. expliquant un recours privilégié à des apports financiers personnels, familiaux ou amicaux pour lancer leur activité. Ceci explique en partie les différences d'ampleur entre les projets portés par les femmes et les hommes, ainsi que les inégalités de revenus.
- L'articulation des temps de vie : la division sexuée des rôles fait encore reposer sur les femmes l'essentiel des tâches domestiques et parentales. Cette réalité peut entrer en conflit avec la démarche entrepreneuriale. De nombreuses cheffes d'entreprises soulignent l'importance dans leur réussite, de l'implication et du soutien de leur conjoint dans la sphère privée. Même si certaines d'entre elles soulignent que le fait d'être son propre patron permet une facilité d'organisation et donc une meilleure articulation des temps de vie, la maternité et la parentalité posent aussi un certain nombre de difficultés.
⇒ L'efficacité des politiques publiques menées depuis dix ans
- Le manque de données pour en mesurer les effets : la prise en compte du genre pour l'ensemble des créations d'entreprises, par exemple dans le répertoire SIRENE, pose la question du critère à retenir dans le cas d'une personne morale.
- La priorité longtemps accordée à la création d'entreprise aux dépens du développement,
- Le manque de continuité des politiques publiques ou la question de l'adéquation des moyens engagés avec les objectifs visés. L'essentiel de l'action des pouvoirs publics intervient de manière indirecte, via une "sous-traitance" vers le milieu associatif. Or, ce dernier repose principalement sur l'action de bénévoles et sur des moyens financiers limités dépendant des financements publics et de mécénat privé.
- Le risque de "saupoudrage" des actions.
- Le rôle déterminant de l'environnement familial ; la reconnaissance et le support du ou de la conjointe, apparaissent comme « des facteurs de succès dans la réussite de l'aventure entrepreneuriale »; la démarche entrepreneuriale influe également sur le rôle symbolique des femmes au sein de la cellule familiale, ce qui peut provoquer réticences et inquiétudes au sein de la famille.
- Les inégalités de revenu et de patrimoine et un environnement financier très masculin.
La surreprésentation masculine parmi les décisionnaires, influe sur la manière dont ces fonds sont attribués. Elle induit des biais de représentation qui affectent la capacité des femmes à accéder aux financements.
Par contre, la parité est atteinte dans le métier de chargé de clientèle entreprise du réseau bancaire classique (50% de femmes, 2019).
- Les injonctions contradictoires sur la "manière d'être" en affaires : si elles se conforment aux stéréotypes perçus comme « féminins », courant le risque d'être vues comme « trop gentilles », voire « incompétentes ». A contrario, si elles développent des compétences stéréotypées perçues comme « masculines » (ambition, autorité), elles peuvent être considérées comme « trop dures », « autoritaires » et « manquant de féminité ». Les femmes sont dès lors contraintes de développer une "réflexivité" sur leur propre style de management pour intégrer ces biais de perception.
- Une vision institutionnelle "genrée" de l'entrepreneuriat ? Les termes employés (« stimuler », « se développer », « prise de risque », « innovation ») renvoient à un imaginaire de l'action, de la conquête, de la "nouvelle frontière". Le discours autour de l'entrepreneuriat est polarisé autour de secteurs techniques et scientifiques et de la figure de la startup, jeune entreprise innovante et à forte croissance. Il mobilise un imaginaire de l'ambition, qualifié de « viriliste ». Or, une large part de l'entrepreneuriat ne répond pas à ces critères.
Pour en savoir davantage : Femmes et entrepreneuriat
Source : "FEMMES ET ENTREPRENEURIAT" CESE, octobre 2020
Un rapport fort complet, qui fait le point, sans apporter d'éléments réellement nouveaux.