Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Conjoncture 
27 avr 2021

Les relations sociales au sein de l’entreprise au temps de la covid

Rien de bien nouveau dans ces entreprises de plus de 50 salariés, si ce n’est une forte préoccupation sur la santé.

⇒ Le contexte

  • La situation économique actuelle de leurs entreprises est perçue positivement : pour 74% des salariés, elle est bonne (dont très pour 15%). Pour 75% des représentants du personnel elle est bonne (dont très pour 20%).
     
  • Selon les représentants du personnel, l’état d’esprit du personnel est “négatif” pour 88% (67% en première réponse) : fatigué (62% dont 27), inquiet (53% dont 20), déçu (36% dont 10), en colère (29% dont 10).

La situation est par ailleurs perçue positivement par 58% (dont en premier 24) : déterminé (43% dont 12), motivé (29% dont 6), optimiste (20% dont 6)

Et attentiste pour 29% (dont en premier 9).

⇒ La qualité du dialogue social

  • 55% des salariés donnent une note entre 6 et 10 (dont 23% au moins 8 sur 10). 49% des représentants du personnel donne une note d’au moins 6 sur 10 (dont 12% au moins 8).
Les promoteurs de ce dialogue sont pour les salariés les instances de représentation du personnel (65%), les organisations syndicales (64%), les salariés de l’entreprise (53%), la direction (53%).
  • Le dialogue social est parfois plus compliqué dans les grandes entreprises ou les filiales, dans lesquelles le top management ne semble ni pérenne ni autonome vis-à-vis du siège. A l’inverse, dans les entreprises de petite taille, il semble plus fluide, notamment parce qu’il se construit dans un rapport de proximité élus-dirigeants, un rapport plus quotidien et donc moins formel.
La qualité des relations interpersonnelles joue également beaucoup, mais elle se présente très souvent comme une résultante du sentiment de proximité (+ petites entreprises) et plus encore de la situation économique de l’entreprise qui peut avoir tendance, quand elle est mauvaise, à crisper les relations.

⇒ La crise du covid-19 aura des répercussions fortes sur :

– La santé et les risques psychosociaux des salariés (59% pour les salariés et 84% pour les représentants du personnel dont très fort 34 vs 19 pour les salariés),

Les conditions de travail (59 et 76%),

– Les choix stratégiques de l’entreprise (55% et 60),

– La situation économique de l’entreprise (53% et 50),

– L’emploi au sein de l’entreprise (46% et 41),

– La qualité du dialogue social au sein de votre entreprise (46% et 47). Pour 12% des salariés, cette crise améliorera le dialogue social, mais le détériorera pour 28%, alors qu’elle sera sera sans effet pour 45% (et même 56% pour les représentants du personnel).

Pour les représentants du personnel, la crise sanitaire ne semble pas avoir donné lieu à des solutions intéressantes pour garder le contact et bien préparer les réunions en amont.

⇒ Les principales attentes en matière d’évolution du dialogue social dans la période qui s’ouvre, selon les représentants du personnel

– Le renforcement du poids des avis émis par le CSE (70% dont en 1ere citation 38), surtout dans les plus de 50 salariés (71-72% vs 40 chez les moins de 50 salariés),

– Des réunions de CSE recentrées sur les sujets importants (41% dont 14), surtout chez les moins de 50 salariés 60% vs 37-45 chez les autres,

– La mise en place d’un agenda social articulant consultations et négociations (40% dont 15), 50% chez les moins de 50 salariés vs 38-45 les autres,

– L’existence d’un dialogue social au plus près du terrain (36% dont 13), 45% les plus de 1 000 salariés vs 23-27,

– La mise en place d’une cogestion à la française (25% dont 13), 22 à 27% selon les tailles,

– Du temps de délégation supplémentaire dans l’exercice du mandat de représentant des salariés (26% dont 7), 21 à 29% selon les tailles.

⇒ Les sujets de préoccupation à traiter prioritairement (notamment par les CSE) 

  • Certains sujets sont proches que les réponses viennent des salariés ou des représentants du personnel :
– Les conditions de travail (65% pour les salariés et 63% pour les représentants du personnel)

– Le management et les rémunérations (31 et 35%),

– La sécurité au travail (24% pour les deux, notamment dans l’industrie et le BTP).
  • D’autres sont beaucoup plus présents chez les représentants du personnel :
– La santé et les risques psychosociaux (24, mais 63% pour les représentants du personnel),

– Les choix stratégiques de l’entreprise (13 et 40%)

– Les enjeux économiques et sociaux (15 et 32%).

⇒ L’impression d’une forte dégradation du tissu relationnel,

pour les dirigeants comme pour les représentants du personnel, avec deux craintes distinctes :

La crainte d’un moindre sentiment d’appartenance à l’entreprise du côté des directions, avec des salariés qui se sont finalement révélés parfois très distants pendant les deux confinements (d’où la crainte de les voir démissionner plus facilement, moins s’impliquer dans la vie de l’entreprise…)
La crainte d’une perte du sens du « collectif » et donc par là d’une plus grande difficulté à rester légitime dans leur rôle de représentation des salariés, une plus grande difficulté aussi à mobiliser ces salariés dans le cadre d’un désaccord avec la direction.

Et donc organiser un retour progressif sur site, et surtout : retisser les liens interpersonnels dans les entreprises après une année d’éloignement, réapprendre à faire vivre une entreprise en tant que « collectif » et trouver des outils pour mieux détecter les salariés « en souffrance » à distance.

⇒ A propos du télétravail

La crise sanitaire a souvent permis de lever des résistances de certaines directions au sujet du télétravail, notamment pour les fonctions que l’on imaginait difficilement pouvoir fonctionner à distance (les activités de secrétariat, les centres d’appel à distance, etc.).
Bien que le télétravail pendant la crise sanitaire a été souvent mal vécu par les salariés (caractère subi, mise en œuvre souvent improvisée), il semble évident pour beaucoup qu’il sera difficile de revenir au modèle antérieur pour les entreprises culturellement hostiles au travail à distance.

Des effets d’aubaine sont redoutés en ce qui concerne l’usage des outils de travail à distance :
– Le télétravail pour réaliser des économies (mais ce qui pourrait aussi à terme limiter les possibilités de mobilisation),
– La systématisation des réunions à distance qui ont tendance à renforcer le formalisme du CSE.3 a

Pour en savoir davantage : Présentation PowerPoint (ifop.com)

"L’état des relations sociales en entreprises", Ifop pour Syndex, janvier 2021
Méthodologie :

Etude qualitative : 20 entretiens téléphoniques de 1h auprès de représentants du personnel et de représentants de la direction (la moitié issu d’entreprises de moins de 300 salariés et la moitié de plus de 300 salariés)

-Étude quantitative :

*échantillon de 1306 salariés français travaillant dans une entreprise de plus de 50 salariés du secteur privé ; la représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas sur les critères de sexe, d’âge, de catégorie socio-professionnelle, de secteur d’activité et de région d’habitation. Interrogation entre le 18 et le 25 janvier 2021

*échantillon de 1131 élus du personnel français, contactés sur la base d’un fichier fourni par Syndex. Interrogation entre le 19 janvier et le 3 février 2021

L’essentiel de l’étude se focalise sur les CSE (Comité Social et Économique), ce que je ne développerais pas ici. Noter que 54% des salariés savent de quoi il s’agit (dont 30% très bien) quand on parle de CSE. 69% des salariés ont voté pour les représentants du personnel (plutôt les 40-49 ans 84%, les salariés d’entreprise de plus de 5 000 salariés 77%, ceux en fonction d’encadrement 77% et plutôt moins les 18-29 ans 38%).
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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