La communication autour des questions de transmission d’entreprises est en soi un sujet paradoxal. C’est ce qui en fait ici tout l’intérêt… et toute la difficulté bien sûr.
Transmettre une entreprise suppose de communiquer tout en gardant une discrétion et une confidentialité.
Nous allons aborder à travers 6 articles issus de l’ouvrage Transmission Lab, communiquer la transmission – petits conseils pour grandes réussites, ces questions de communication que pose la transmission des entreprises.
Juliette Allais, psychothérapeute, témoigne sur la difficulté pour le dirigeant de se « désidentifier » de son entreprise et plus largement la transmission en dehors de la famille.
Transmettre une entreprise en famille, au fond, ça parle de quoi ?
Les questions de transmission renvoient toujours à des questions de loyauté… donc aussi d’enfermement potentiel. Car on ne transmet jamais seulement une société - au sens économique du terme - mais également des codes, des règles, visibles et invisibles, toute une façon d’être au monde. C’est donc aussi un poids que l’on reçoit, de quelque chose que l’on n’a pas créé, tout un système de valeurs, d’obligations, de priorités qui n’est pas le sien a priori.
Et dans le cas des entreprises éponymes ?
Le poids est encore plus lourd, car l’identification est naturellement encore plus forte. Avec souvent l’image d’un ascendant mythique d’autant plus imposante. Et il est encore plus difficile d’être à la hauteur ! Le droit à l’erreur, à l’échec en devient très limité…
Ceux qui reçoivent ne sont donc pas dans une situation si simple ?
Non en effet, parce que celui qui transmet attend nécessairement - plus ou moins consciemment - que celui qui reçoit, a fortiori si c’est l’un ou plusieurs de ses enfants, fonctionne comme lui, voit les choses de la même manière. Alors que c’est par nature impossible… Et même si la transmission peut naturellement aussi avoir quelque chose de très valorisant, exprimer une forme de reconnaissance, offrir un ancrage puissant…
Et rien n’est simple non plus pour celui qui transmet ?
Pour celui qui s’en va, il y a nécessairement quelque part une peur de perdre la place qu’il avait conquise, parfois de haute lutte. Pour être relégué à un endroit vide, d’autant plus vide qu’il est plus âgé bien sûr. Ce qui le rend facilement ambivalent, hésitant entre « je laisse » et « non je ne peux pas laisser ». On ne peut donc bien transmettre que si on a la certitude d’avoir encore une vie « après », dont on ait envie, qui fasse sens pour nous. Ce qui suppose aussi d’être réellement « désidentifié » de son entreprise, d’accepter que « je ne suis pas l’entreprise », qu’elle peut tourner sans moi… et que je peux tourner sans elle !
Comment fluidifier alors les questions de transmission au sein des familles ?
La circulation de la parole au sein de la famille, entre tous les membres concernés, va être absolument essentielle. Il faut réussir à créer ainsi des espaces de parole spécifiques dans lesquels les enfants - si c’est d’eux qu’il s’agit par exemple - pourront dire et être entendus. Dire sincèrement leurs envies, leurs doutes, leurs attentes, leurs réticences, leurs difficultés, leurs espoirs, leurs conditions, leurs différences aussi quand il s’agit d’une fratrie, donc tous ne sont pas concernés de la même manière… Et des espaces de parole qui ne sont pas les espaces familiaux habituels. Ce n’est pas en effet ici seulement le père ou la mère qui parle à ses fils ou à ses filles, mais aussi le patron actuel qui échange avec des repreneurs potentiels.
Vaut-il mieux être accompagné dans la démarche ?
Si la démarche semble difficile, si les relations se tendent, si la parole ne parvient pas à circuler, alors oui l’aide d’un tiers médiateur peut être précieuse pour tous. Dans de telles situations en effet, à la fois complexes, impliquantes et multidimensionnelles, le risque de non-dit est sinon très important. Et les conséquences pourraient en être lourdes, sur la famille comme sur l’entreprise est affaire de séparation. Avec l’entreprise que l’on a portée, comme avec les membres de la famille à qui on transmet. Et qui doivent pouvoir bénéficier de toute l’autonomie nécessaire pour reprendre, grandir et faire grandir à leur tour…
Quel conseil pourriez-vous donner ainsi à un dirigeant pour conclure ?
Peut-être qu’un conseil juste ici serait de leur proposer de mettre leur ego de dirigeants concernés et compétents de côté… à bien transmettre ! Et plus tôt ils entreprendront d’y réfléchir, plus ils auront de temps devant eux, plus ce sera facile. En n’oubliant jamais que la transmission est affaire de séparation. Avec l’entreprise que l’on a portée, comme avec les membres de la famille à qui on transmet. Et qui doivent pouvoir bénéficier de toute l’autonomie nécessaire pour reprendre, grandir et faire grandir à leur tour…
Contenu publié en accord avec ©Transmission Lab - Livre blanc "COMMUNIQUER LA TRANSMISSION - petits conseils pour grandes réussites"
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Juliette Allais
Transmission
27 oct 2021
La transmission d’entreprise : la « désidentification » lors de la transmission d’entreprise
La psychothérapeute Juliette Allais prend la parole sur le thème de la « désidentification » lors de la transmission d’entreprise.
Juliette Allais est auteur d’essais et romans, formatrice et psycho-praticienne spécialisée en analyse transgénérationnelle.
Elle pratique une approche pluridisciplinaire, visant à réconcilier chacun et chacune avec sa place généalogique et les effets de son héritage inconscient.
Elle pratique une approche pluridisciplinaire, visant à réconcilier chacun et chacune avec sa place généalogique et les effets de son héritage inconscient.
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