Fondation d'entreprise
 
 
Alain Bloch
Transmission 
10 nov 2021

La transmission d’entreprise : les enjeux

Alain Bloch, Professeur du CNAM et Directeur Scientifique du MSc-HEC Entrepreneurs, nous livre son analyse sur la transmission d’entreprise et ses enjeux.
La communication autour des questions de transmission d’entreprises est en soi un sujet paradoxal. C’est ce qui en fait ici tout l’intérêt… et toute la difficulté bien sûr.

Transmettre une entreprise suppose de communiquer tout en gardant une discrétion et une confidentialité.
Nous allons aborder à travers 6 articles issus de l’ouvrage Transmission Lab, communiquer la transmission – petits conseils pour grandes réussites, ces questions de communication que pose la transmission des entreprises.

Alain Bloch, Professeur du CNAM et Directeur Scientifique du MSc-HEC Entrepreneurs, nous livre son analyse sur la transmission d’entreprise et ses enjeux.

La transmission est une condition nécessaire de la pérennité des organisations. Ces deux mots, transmission et pérennité, sont pourtant, l’un comme l’autre, insuffisamment au cœur des préoccupations des entrepreneurs, et c’est pourquoi il faut saluer la sortie de ce livre blanc qui vient à son heure.

Lorsque je l’interviewais pour un numéro de la Revue Française de Gestion consacré aux entreprises familiales, Christian Peugeot avait eu cette formule inspirante, que sa famille a faite sienne : « l’entreprise ne nous appartient pas, elle appartient déjà à la génération suivante ». Au-delà de la formule, cette phrase traduit bien que ce n’est pas seulement, tant s’en faut, la dimension patrimoniale de cette transmission qui est en jeu dans ce processus.

L’héritage qui en est l’objet est avant tout fait d’une histoire, de son récit, de valeurs, d’une culture, bref d’une tradition qui fait l’esprit d’une entreprise. Et comme le poète René Char le rappelait dans un vers un peu énigmatique, cet « héritage n’est précédé d’aucun testament ». Effaçons-nous derrière la grande Hannah Arendt pour recevoir, grâce à elle, une clé de compréhension de ces mots aussi magnifiques que fulgurants.

Elle écrit : « Le testament, qui dit à l’héritier ce qui sera légitimement sien, assigne un passé à l’avenir. Sans testament ou, pour élucider la métaphore, sans tradition – qui choisit et nomme, qui transmet et conserve, qui indique où les trésors se trouvent et quelle est leur valeur – il semble qu’aucune continuité dans le temps ne soit assignée et qu’il n’y ait, par conséquent, humainement parlant, ni passé ni futur, mais seulement le devenir éternel du monde et en lui le cycle biologique des vivants... ». Et elle poursuit : « Car le souvenir, qui n’est qu’une des modalités de la pensée, bien que l’une des plus importantes, est sans ressource hors d’un cadre de référence préétabli, et l’esprit humain n’est qu’en de très rares occasions capables de retenir quelque chose qui n’est relié à rien. »

Ainsi les entrepreneurs doivent-ils se souvenir, dans l’action collective qu’ils conduisent, que les organisations, marchandes ou non, qu’ils animent sont des lieux où la mémoire collective se construit pour se communiquer de génération en génération, et qu’il n’y a pas de civilisation qui vaille sans ce travail mémoriel. Est-il besoin ici de rappeler en effet, puisque ce livre en témoigne à lui seul, que c’est cette communication qui, en précédant la transmission proprement dite, installe d’une génération pour l’autre, à travers récits et débats, les valeurs et les traditions qui sont les éléments essentiels du patrimoine immatériel de chaque organisation ?

Quant à la pérennité qui est permise par cette transmission, j’ai déjà exprimé ailleurs et avec d’autres qu’elle avait pour nos organisations contemporaines la vertu immense de rassembler leurs parties prenantes, plutôt que de les opposer comme le fait trop souvent le profit. Au cœur du débat autour de ces deux idées se trouve la transformation très contestable du capitalisme par la recherche effrénée du profit, depuis l’injonction du prix Nobel Milton Friedman en 1970, assénant que la seule responsabilité de l’entreprise était précisément celle d’assurer ce profit. Or c’est cette assertion coupable qui est à l’origine du dogme de la « création de valeur pour l’actionnaire », devenu l’alpha et l’omega du management depuis le début des années 80, et qui s’est révélé à l’usage un paradigme terriblement destructeur, en ce qu’il fonde et autorise le pillage sans vergogne des ressources de la planète et la maltraitance à grande échelle de l’homme, de l’exploitation des enfants aux vies brisées par les plans sociaux massifs.

Le paradigme de la pérennité est pour nous, les membres du Transmission Lab, sa présidente fondatrice et moi, la seule voie pour l’avenir de nos économies contemporaines, équitable et respectueux de notre environnement.


Contenu publié en accord avec ©Transmission Lab - Livre blanc "COMMUNIQUER LA TRANSMISSION - petits conseils pour grandes réussites"

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Alain Bloch est Directeur scientifique d’HEC entrepreneurs, co-fondateur d'HEC Family Business Center, auteur et entrepreneur. Il a fondé « L’annuaire Soleil » premier concurrent des Pages Jaunes qui l'ont amené à focaliser ses recherches sur l'innovation, l'entrepreneuriat, le leadership et la résilience des organisations.
 

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