⇒ Rappels autour des défaillances et des sorties d’entreprises du marché.
♦ 2019 comptabilise 52 002 défaillances dont 68 % en liquidation directe, 30,5 % en redressement judiciaire et 2 % en sauvegarde. Un redressement sur deux se termine en liquidation judiciaire avant 3 années et les 2/3 des entreprises ayant fait l’objet d’un plan de redressement cessent leur activité pour cause de liquidation avant 8 ans. Ainsi, une entreprise en défaillance a de très fortes chances de cesser son activité à relativement brève échéance.Il est toutefois important de souligner que la liquidation judiciaire ne donne pas lieu systématiquement à une cessation d’activité, des rachats de tout ou partie d’entreprises défaillantes sont possibles. De plus, il existe des cessations volontaires d’activité qui ne passent pas par une procédure collective. Les cessations d’activité d’entreprises défaillantes ne représenteraient que 25 % du total des sorties du marché.
♦ Par ailleurs les procédures préventives (mandats ad hoc et conciliation) enregistrées en 2018 et 2019 ont permis de conclure un accord entre débiteurs et créanciers dans 70 à 75 % des cas et ont ainsi permis aux entreprises concernées de revenir sur le marché. Mais leur nombre est faible comparativement à celui des procédures collectives (10 % en 2015)
⇒ Le nombre et le profil des entreprises zombies
♦ En France, la part des entreprises zombies, rapportée aux entreprises matures (plus de 10 ans d’ancienneté), est de 4 % sur la période 2000-2010 et de 5 % sur la période 2011-2019. Sur cette dernière période, les entreprises zombies accaparent selon les années entre 4 et 6 % du capital productif des entreprises matures (elles mobilisent des ressources qui pourraient être utilisées par des entreprises plus performantes) et réalisent entre 2 et 3 % de leur valeur ajoutée hors taxe. Ces écarts témoignent de l’inefficacité des entreprises zombies qui mobilisent d’importantes ressources productives eu égard à leur valeur ajoutée.Ces parts sont comparables à celles estimées par l’OCDE pour la Suède et le Royaume-Uni sur la période 2010-2013 (près de 4 %). Par contre, la France semble beaucoup moins affectée par ce phénomène que la Belgique, où les entreprises zombies représentent 10 % des entreprises belges, y accaparent 12 % de l’emploi et 16 % du stock du capital productif.
Pour l’Europe, sur la période 2010-2014, le lien entre entreprises zombies et banques semble plutôt avéré dans des pays comme l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou la Slovénie, où l’accroissement du stress des banques a conduit à une augmentation des prêts accordés aux petites et moyennes entreprises zombies ; à l’inverse, pour l’Allemagne et la France, cet enchaînement n’aurait pas eu lieu.
♦ Toutefois, ce poids varie très sensiblement selon le secteur d’activité : en 2019, la présence des entreprises zombies dans les secteurs informatique et communication chiffre 7,2 %, 6 % pour le groupe commerce et HCR et transport vs 4 % pour la construction. Il est plutôt en hausse au regard de l’année 2000.
Remarquons également que les secteurs aux taux d’entreprises zombies les plus élevés se caractérisent par des taux de rentabilité médian plus faibles.
Les entreprises zombies du secteur manufacturier contribuent à 44 % du capital piégé par les entreprises zombies.
♦ Une analyse par taille montre que la part du capital piégé est concentrée dans les ETI et les grandes entreprises (GE), détenant 68 % du capital piégé par les entreprises zombies en 2019.
Par ailleurs, en termes de taux de zombies, le taux augmente avec la taille. 9,2 % en 2019 pour les GE (mais avec un très petit nombre), 5,8 % pour les ETI, 5,5 % pour les TPE et 4,4 % pour les PME.
Dans les TPE et PME, la part des entreprises zombies est moins élevée et pourrait avoir au moins 4 explications : leur taux de défaillance est plus important (0,54 et 0,43 % en 2018, vs 0,13 % pour les ETI, et nul pour les grandes entreprises), le poids d’entreprises plus jeunes au sein des TPE et PME, non prises en compte dans cette analyse (dans cet échantillon, l’âge moyen des ETI et des GE est de 38 années, contre 27 années pour les TPE et pour les PME), et l’accès plus facile aux prêts bancaires pour les ETI et les GE.
La part des zombies dans le capital des entreprises matures (intégrant les immobilisations financières) est prépondérante chez les ETI et les GE.
⇒ Les entreprises zombies et les défaillances
Le nombre de défaillances dans l’échantillon en 2019 est faible : 2 411 dont 58 % de plus de 10 ans. Le taux de défaillance est plus élevé pour les TPE (0,71 %) que pour les PME (0,50 %) ou les ETI (0,28 %).2 981 entreprises sont devenues zombies pour la première fois en 2013, dont 14 % défaillantes cette même année (des entreprises qui connaissent des difficultés depuis au moins 3 ans et qui sont devenues zombies pour la première fois et défaillante la même année). En 2019, soit 6 années plus tard, et pour les non-défaillantes en 2013, 43 % sont sorties par le haut, et 57 % sont en situation plus que difficile : 31 % ont été défaillantes, 14 % ont disparu de la base (refusant de donner leur situation), 6 % ont toujours le statut de zombie (statu quo), 5 % ont retrouvé le statut de zombie après l’avoir quitté au moins une fois entre 2014 et 2018 (rechute).
Parmi les primo-accédantes au statut de zombie, 40 % finissent par redevenir pérennes au bout de 3 ans, 30 % finissent dans une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, et 30 % sont ou bien toujours zombies (rechute ou statu quo), ou bien disparues de la base et ne renseignent plus leurs comptes, ce qui serait le signe d’une probable défaillance à venir.
Au final, parmi les entreprises zombies, 61 % sont défaillantes 2 ans au plus entre le moment où elles sont identifiées pour la première fois comme zombies et leur entrée dans une procédure collective de redressement ou de liquidation.
♦ Une comparaison taux de zombies et taux de défaillances entre 2000 et 2019
Le nombre d’entreprises zombies a progressé entre 2000, 2008 et 2019 passant de 8 495 à 11 542. Le taux des défaillances des matures et des non matures a lui aussi progressé, tout comme le taux des zombies dans les entreprises matures (passant de 3,81 à 5,06), comme dans l’ensemble des entreprises (de 2,29 à 3,84).
Le taux de zombies/ le taux de défaillances montre que les activités immobilières ont peu connu de défaillances mais bien plus de zombies (entrée et sortie de zombies plus importantes), alors que la situation est inversée pour la construction et l’industrie.
♦ Le cas particuliers du groupe commerce, HCR et transport.
Les HCR ont le taux de zombies le plus élevé parmi les entreprises défaillantes matures, comparés au commerce et au transport (12,35 vs 7,17 et 7, 09).
⇒ En conclusion
Les procédures collectives (hors procédure de sauvegarde) semblent, capables d’identifier assez rapidement les entreprises zombies, en tous cas celles qui entrent in fine en défaillance.Pour en savoir davantage : "La procédure de défaillance à l’épreuve des entreprises zombies : le cas de la France", France Stratégie, 2022-05, septembre 2022
Méthodologie : les données utilisées sont tirées de Ficus, pour l’ensemble des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et d’au moins 2 salariés, sur la période 1997-2007, et du dispositif Esane pour la période postérieure 2008-2019. L’échantillon est de 628 303 entreprises dont 322 823 entreprises observées chaque année, dont 212 378 sont matures au sens où elles ont au moins 10 ans, 9 563 zombies et 4 709 défaillantes (sur la période 2008-2019).
La question que traite cette étude : le régime français des défaillances est-il efficace au sens où il conduirait à faire sortir du marché les entreprises zombies qui ne peuvent pas y survivre tout en se maintenant sur le marché les entreprises viables.