Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
27 déc 2022

Quels indicateurs pour observer le développement selon les caractéristiques du créateur ?

Nombre de caractéristiques des créateurs et de leurs entreprises conduisent à des résultats fort différents en termes de pérennité et surtout quant au développement de leurs entreprises.

⇒ L’indicateur pérennité

Rappelons que la cessation peut être le fait d’une vente, d’un départ en retraite ou en direction d’une activité salariée.

♦ Une approche globale de la pérennité

  • 55 % des entreprises créées en 2010 par une personne âgée de moins de 25 ans sont toujours en activité au bout de 5 ans, contre 62 % pour celles créées par une personne de 50 à 55 ans.
  • Être une femme (toute âge) n’a pas d’effet sur la survie de l’entreprise. En revanche, la durée de la survie est plus faible pour les entrepreneuses.
  • La première raison invoquée pour la cessation d’activité est le manque de rentabilité ; les seniors la déclarent tout autant que l’ensemble des créateurs (30 % dans l’UE sur la période 2014-2018) ; ils déclarent moins fréquemment avoir cessé leur activité pour des raisons personnelles, des problèmes de financement et des opportunités d’emploi.
  • La probabilité de cessation est plus élevée de l’ordre de 10 % pour les seniors et de 20 % pour les juniors ; l’approche de la retraite se conjugue avec une probabilité beaucoup plus élevée de cessation d’activité (+45 %).
Le fait d’avoir exercé avant la création une activité dans un secteur différent de celui de l’entreprise créée augmente la probabilité de cessation d’activité de 22 % et de 11 % pour la perception d’aides publiques.

♦ 3 variables jouent un rôle très significatif dans la pérennité :

  • Le montant des moyens investis : plus ils sont importants et plus la survie de l’entreprise est probable ; investir plus de 80 000€ diminue la probabilité d’arrêt d’activité de 48 %.
  • Le secteur d’activité.
  • La catégorie juridique : créer en entreprise individuelle fait plus que doubler la probabilité de cessation d’activité.

♦ Des modalités particulières de cessation

– La liquidation : aucun effet de l’âge n’est identifié.
Les entreprises créées par des femmes ne connaissent pas un taux de faillite supérieur mais s’il y a faillite, elle intervient plus tôt.

Un certain nombre de variables sont par ailleurs associées à une forte réduction de probabilité de liquidation :
créer en société (réduit la probabilité de cessation de 85 %), une compétence métier ou sectorielle (réduit de 28 %), être un cadre (réduit de 25 %), avoir un diplôme du supérieur (réduit de 19 %), le fait d’être en emploi à temps complet (réduit de 18 %), avoir au moins 10 ans d’expérience (réduit de 16 %). L’autofinancement est également associé à une réduction de risque de faillite.
En termes de motivation qui a poussé à la création, l’opportunité de création ou de reprise et celle d’être sans emploi sont positivement associées à la faillite.

– La cession-transmission de l’entreprise, les seniors cèdent moins que les jeunes : un écart de 10 points entre les juniors et les seniors est observé au bout de 5 ans (enquête GEM). Par contre, les seniors déclarent moins fréquemment avoir cessé leur activité pour des raisons personnelles, des problèmes de financement et des opportunités d’emploi.

La proximité de la retraite n’a pas d’incidence sur la probabilité de vente, tout comme le sexe. Par contre, d’autres variables jouent positivement sur la probabilité de vendre : si le créateur est originaire d’un pays en dehors de l’UE, la probabilité de vendre est élevée (+73 %), les entrepreneurs en région parisienne (+17 %), un marché d’importance régionale ou nationale par rapport à un simple marché local (+15 %), et le statut de personne physique (+15 %), les diplômés du supérieur (+13 %), et ceux qui ont déjà créé une entreprise auparavant.

2 motivations ayant poussé à la création sont associées positivement à la chance de vendre : le fait que cela soit la seule possibilité pour exercer sa profession (+31 %) et le goût d’entreprendre et le désir d’affronter de nouveaux défis (+13 %).

⇒ Observation des résultats des indicateurs du développement ou de la rentabilité de l’entreprise

Les indicateurs de développement sont le chiffre d’affaires, le nombre d’employés, la masse salariale et la valeur ajoutée.

♦ Un regard sur l’ensemble des créations : les variables qui influencent les résultats.
  • Les femmes créatrices d’entreprise (tout âge) sont associées à des indicateurs de développement plus faibles : -13 % en chiffre d’affaires, -15 % en masse salariale, -9 % de valeur ajoutée, -2 % en recrutement de salariés, et le même phénomène se retrouve également pour la productivité et l’EBE ; toutefois, pour les ratios de rentabilité on ne note aucun effet significatif. À cet égard, on pourrait rapprocher le profil des créatrices de celui des créateurs seniors, prudents dans l’expansion de leur entreprise, mais tout aussi performants que les autres en matière de rentabilité de l’entreprise.
  • Être au chômage (court ou long) est associé à des indicateurs plus défavorables (par exemple, -10 % pour la VA, -7 % pour la productivité) par rapport à la catégorie de référence que sont les personnes en emploi.
On retrouve également une moins grande expansion de la part des entreprises créées par les inactifs (-24 % pour le CA, -12 % pour la VA, -7 % pour la productivité).
  • Le fait d’être cadre est en revanche positif pour les indicateurs d’expansion de l’entreprise, +36 % la masse salariale (sans doute des entreprises plus technologiques embauchant plus de qualifiés) et en lien une productivité plus importante (+15 %), +7 % pour le recrutement de salariés,
Le même phénomène se retrouve pour les chefs d’entreprise avec +45 % de masse salariale, et dans une moindre mesure pour les indépendants (+10 % de VA).
  • Créer une entreprise dans un secteur différent de son secteur d’origine semble risqué, comme en témoignent des coefficients qui sont parmi les plus négatifs : -39 % pour le CA, -23 % pour la masse salariale, -20 % pour la productivité, -6 % pour la productivité et aussi une rentabilité économique plus faible (-8 %). Dans le même ordre d’idées, avoir plus de dix années d’expérience semble également bénéfique pour la productivité.
  • En termes de localisation, la région parisienne implique de payer des salaires plus élevés (+11 % d’écart-type de masse salariale) ; cela s’accompagne d’indicateurs de rentabilité meilleure (+12 % pour la rentabilité économique).
  • La création en personne physique correspond à une exposition du capital personnel puisqu’en cas de faillite, l’entrepreneur est responsable sur ses deniers personnels. En lien, le créateur semble moins prendre de risques dans le développement de son entreprise : -266 % de masse salariale, -126 % de CA, -42 % de VA, -8 % de productivité. En revanche, les indicateurs de rentabilité sont plutôt meilleurs que pour les personnes morales, sauf pour la rentabilité financière (-6 %) ; on note en effet +14 % pour le taux de marge. Ces données sont à prendre avec précaution dans la mesure où la comparaison des comptes d’exploitation n’est que partiellement fiable (non prise en compte de la rémunération du dirigeant).
Un franchisé progresse plus vite, 25 % de plus en chiffre d’affaires, 19 % de masse salariale en plus, 17 % de valeur ajoutée en plus, mais avec un impact négatif sur certains indicateurs de rentabilité, taux de marge en particulier.
  • S’agissant des conditions financières, plus on investit d’argent dans l’entreprise et plus l’entreprise peut se développer vite, par exemple un entrepreneur qui investit plus de 80 000€ comparé à celui qui n’investit que 4 000€ voit son chiffre d’affaires au bout de 5 ans progresser de plus de 71 %, sa masse salariale de plus de 67 %, sa VA de plus de 36 % et sa productivité de plus de 8 % ; néanmoins, en termes de ratio de rentabilité, aucun avantage ou désavantage n’est décelable.
  • Par rapport à la catégorie clientèle d’entreprise (comparée à celle de particuliers), la progression est manifeste : +30 % en chiffre d’affaires, +20 % en masse salariale, +19 % en rentabilité, +14 % en VA, +6 % en productivité.
Travailler pour le secteur des administrations publiques est associé à un développement plus rapide, 73 % de plus pour le résultat, 57 % de plus de masse salariale, 51 % de plus de VA, 43 % de plus de CA, 20 % de productivité en plus.
  • Les secteurs de la construction et des services aux entreprises présentent un profil plus favorable sur beaucoup d’indicateurs. Le secteur des services, comparé à celui du commerce, fait état 34 % de masse salariale en plus, 24 % de résultat en plus, 17 % de VA et 7 % de productivité en plus.
  • Que retenir enfin des motivations déclarées par le créateur d’entreprise ? Les effets sont plutôt de faible amplitude. Contrairement à l’intuition, l’idée nouvelle de produit, service, ou de marché semble loin d’être très porteuse en moyenne, -20 % en chiffre d’affaires, -13 % en valeur ajoutée, -10 % en masse salariale, -10 % en résultat, -5 % en productivité.
En revanche, l’opportunité de création ou d’une reprise semble plus favorable et est associée aux mêmes ordres de grandeur, mais cette fois en positif.

– Noter que la variable « avoir des entrepreneurs dans son entourage » n’est jamais significative pour aucune variable de résultat de l’entreprise.

♦ Plus spécifiquement pour les seniors

  • La catégorie senior n’est surtout significative que pour le chiffre d’affaires : le chiffre d’affaires (-18 %), la valeur ajoutée (-11 %) et la masse salariale (-14 %) indiquent que les seniors poussent moins le développement, la croissance de leur entreprise que les autres créateurs.
Quand on observe les 55-64 ans, on observe une accentuation des coefficients pour le chiffre d’affaires pour l’âge, (-26 % au lieu de -18), alors que les juniors sont associés à un développement plus accentué du chiffre d’affaires (+10 %).
  • Le fait d’être senior joue négativement pour la productivité (VA / nombre d’employés) ; il réduirait de 5 % la productivité de l’entreprise.
L’horizon (proximité à la retraite) comme le fait d’être senior ne jouent pratiquement aucun rôle pour expliquer le niveau de rentabilité en euros (EBE, résultat) ou les ratios de rentabilité (taux de marge, rentabilité économique et financière) et ceci quelle que soit la définition de la catégorie senior retenue.

En conclusion, l’âge n’est pas globalement discriminant mais la proximité à la retraite joue un rôle dans les décisions de s’investir dans le développement de l’entreprise.
  • Sur les variables de développement de l’entreprise (chiffre d’affaires, masse salariale et valeur ajoutée), les entreprises créées par les seniors sont en retrait par rapport aux entreprises créées par le groupe d’âge médian.
  • Sur les variables de rentabilité, il n’y a pas de différence. Sur les variables de marge, les seniors font un peu mieux que le groupe de référence. En revanche, la productivité fait partie des indicateurs pour lesquels les seniors font un peu moins bien que le groupe de référence.
Pour en savoir davantage : Quelle performance des entreprises créées par les séniors ? | France Stratégie (strategie.gouv.fr)

Méthodologie : l’enquête Insee-SINE (20).10-2015) est la base de données centrale. Elle permet de suivre sur cinq ans une cohorte de jeunes entreprises et de définir les caractéristiques du créateur, notamment son âge.
4 autres bases sont mobilisées et appariées avec la précédente pour mieux qualifier la sortie de l’entrepreneuriat : le BODACC et Insee-SIRENE-SELS pour la pérennité (elles permettent d’identifier notamment les ventes et les fusions acquisitions d’entreprises), Insee-FICUS-FARE pour le développement et la rentabilité de l’entreprise (cette base contient les informations comptables des entreprises issues des liasses fiscales et mises en cohérence avec les informations provenant de l’Enquête sectorielle annuelle), et Global Monitoring Monitor (GEM).
Noter que la notion de « cessation » d’une entreprise renvoie à 3 situations non renseignées dans lesquelles l’entreprise n’est plus » active » au sens de Siren : l’entreprise n’existe plus, l’entreprise a été vendue ou transmise, l’entreprise a été mise en location gérance.
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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