Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
15 mar 2023

Entrepreneurs atypiques issus de minorités

Norbert Alter et Gérard Bronner montrent que les patrons et entrepreneurs issus de minorités ethniques, sexuelles ou sociales disposent d’une compétence sociale spécifique.
Les destins, selon les sociologues, sont déterminés par les appartenances de classe. “Enfants de riches et de pauvres ne feront que reproduire ce que les parents leur ont transmis, socialement et économiquement : la richesse ou la misère.”

Gérald Bronner a mené une soixantaine d’entretiens auprès de patrons atypiques : handicapés, femmes, homosexuels, autodidactes, noirs ou maghrébins. Pour compenser le handicap associé au stéréotype de la différence ou de l’absence de place (la faiblesse, la paresse ou la fragilité), ces personnes doivent constamment fournir la preuve de leurs capacités.

Leur réussite ne repose pas sur le seul respect des lois de la méritocratie. Au contraire, il leur faut en pervertir les règles du jeu pour compenser le manque de capital social et culturel. Un patron qui ne dispose pas des codes des classes dominantes apprend à tirer parti de cette faiblesse : il se moque des conventions du management et centre son action sur des principes d’efficacité simples et robustes ; il ne confond pas le théâtre social et la réalité du monde. Les uns et les autres s’engagent dans les missions risquées que les bien nés refusent ; mais plus encore, pour tirer avantage de comportements transgressifs permettant de redistribuer les atouts. Et puis, aussi, parce qu’ils finissent par prendre goût à l’aventure de leur vie.

“Ces histoires n’ont rien à voir avec les success-stories de personnalités exceptionnelles. Elles reposent sur des rencontres avec des « fées » qui donnent sens à la vie. Qui sont-elles ? L’être aimé, l’ami, les familles généreuses, le prof de lycée, principalement. Elles éclairent et étayent ces parcours périlleux. Elles savent écouter, conseiller ou simplement être là pour dire « continue ! », pour soutenir le désir d’un parcours improbable mais légitime. L’école a, dans cette perspective, une vertu considérable : elle propose un espace de paix et de reconnaissance à ceux qui n’en disposent pas ailleurs. »

Entre les classes sociales et les individus, il existe ainsi des rencontres, des lieux, des affinités qui permettent d’échapper aux seules lois de la détermination. Il existe également des formes d’indiscipline sociale qui subvertissent les lois de la domination.

“Mais ils n’occupent jamais leur place comme ceux dont le parcours s’est déroulé de manière linéaire. Ni ici ni ailleurs, jamais complètement intégrés au monde qu’ils finissent par habiter, ils correspondent en tout point à la figure de « l’étranger »”

“Extérieurs à la culture de leurs homologues, ils mobilisent une distance par rapport aux standards de la sociabilité. Leur personne ne se trouve ainsi jamais contenue dans le personnage dont ils ont pris l’habit. Elle l’excède constamment parce qu’elle objective le monde. Cette position les rend souvent plus vulnérables que ceux qui disposent d’une identité solide et identifiable. Mais elle représente aussi une ressource considérable. Elle permet d’occuper des positions de passeur : ce sont les personnes frontières (ni ici ni ailleurs), qui parviennent à articuler des cultures et des univers indépendants les uns des autres”.

Source : "Les transfuges de classe n’occupent jamais leur place comme les autres", la Croix du 27 février 2023
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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