Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Conjoncture 
27 oct 2023

Quelles évolutions du commerce dans les villes moyennes ?

Un rapport fort complet sur les évolutions en cours et attendues du commerce, en centre-ville comme dans leur périphérie, largement explicatif des évolutions du commerce.

Les initiatives intercommunales de soutien au commerce mises en place pendant le Covid et devenues pérennes

  • Création d’un fonds d’aides aux commerçants locaux 72 %,
  • Plateforme locale 43 % et création d’applications pour consommer local 28 %
  • Aide à la digitalisation 34 %,
  • Primes aux consommateurs 18 %,
  • Modernisation du point de vente 17 %,
  • Actions de communication 6 %.

Des défis pour adapter les formes commerciales et la vie harmonieuse sur les territoires.

♦ Accompagner le changement de modèle sociétal :

Le modèle commercial construit pour une société des années 70/80/90 correspond de moins en moins aux aspirations des citoyens ; il invite à être réinterrogé.

Le modèle de l’hypermarché, de l’hyper-périphérie, celui construit autour de la famille avec deux enfants, de l’automobile, fondements de cette époque passée est interrogé : -3,6 % de baisse du rendement au mètre carré des hypermarchés sur ces 3 dernières années contre +9,8 % pour les réseaux de proximité et en 10 ans l’érosion de la part du chiffre d’affaires non-alimentaire passant de 28 à 20 %.

Ce modèle n’est plus compatible pour plusieurs raisons à prendre en compte :
  • une senior-economy en développement (40 % de la population d’ici dix ans),
  • un individu sur quatre, issu de la génération Z (individus nés après 1996), n’a pas connu le monde sans Internet, fait appel au drive et à la livraison à domicile, fait appel à des critères environnementaux jugés essentiels dans l’acte d’achat ; ils ont moins souvent le permis de conduire (85 % des jeunes de 18-24 ans résidant en milieu rural avaient le permis en 2019, et 41 % en agglomération parisienne ; en 2014, ils étaient 77 % et 50 %.
  • une forte proportion de ménages vit seule (plus de 35 %, plus de 11 millions de personnes) ; leur part dans l’ensemble de la population a été presque multipliée par trois en moins de 60 ans, passant de 6 % à 17 %.
  • avec la périphérisation de l’habitat et la concentration croissante des emplois dans les métropoles, les trajets des actifs se sont multipliés ; ces 10 dernières années, 75 % des actifs travaillent à plus de 15 mn de leur lieu de résidence contre 50 % il y a 10 ans ; cela génère un commerce de flux de plus en plus prégnant sur le territoire (22 % du temps d’ouverture des commerces de centres-villes correspondant au temps disponible des actifs pour consommer, et 70 % des achats alimentaires de proximité sont réalisés entre 17h et 20h).
  • mais aussi le télétravail : 27 % le pratiquent en 2021, contre 4 % en 2019.

♦ Une offre devenue supérieure à la demande

Jusqu’en 2008, chaque croissance annuelle des surfaces commerciales s’accompagnait d’une croissance quasi équivalente de la population et de l’emploi dans le commerce. Ce n’est plus le cas entre 2012 et 2020 : l’évolution des surfaces commerciales dans les villes moyennes ont augmenté de +26 % contre respectivement +2,6 % pour la population et +2 % pour l’emploi commercial. Pour les consommateurs l’offre actuelle est suffisante.

D’où, une croissance des friches : 15 % des surfaces commerciales de périphérie sont soumises à un risque de vacance d’ici 2025 selon LSA. 3,2 % des communes (1155) ont institué la taxe sur les friches commerciales en 2018.

574 000 m² de surfaces commerciales ont été autorisées en 2021, ce qui ne représente que 20 % du volume observé 10 ans auparavant. Des mutations notables pour les territoires devront s’opérer avec un défi majeur : celui de mobiliser et impliquer financièrement les opérateurs. Se posera alors la question du portage et du modèle économique de ces opérations, ainsi que du niveau de multifonctionnalité proposé, pour ne pas générer de « centre-ville bis ».

Et un déplacement vers d’autres localisations, notamment :
  • Vers les flux et axes routiers : 50 % des boulangerie créées depuis 10 ans sont localisées sur ou à proximité d’un rond-point,
Un professionnel de santé sur deux est implanté à l’extérieur du centre-ville.
  • Vers les gares : +15% la hausse de fréquentation des gares TER connectées à un pôle métropolitain entre 2015 et 2020,
  • Vers les aires de covoiturage : 2 200 aires de co-voiturage en France, un futur lieu de commerce à maîtriser ?
Alors que ce phénomène d’hypermobilité des publics ne semblent peu ou pas correspondre aux attentes de la génération Z et de la senior economy.

Or les commerces de centre-ville de moins de 300 m² ne sont plus que 50 % des commerces vs 70 % il y a 10 ans. Cela pose la question de la localisation future des cœurs de villes. Ce sujet complexe devra donner lieu à des arbitrages locaux selon les typologies de territoires entre un commerce « là où les usagers passent » et un commerce « là où les usagers vivent ».

♦ Organiser le commerce hors magasin

À horizon 2030, peut-on poser comme perspective l’hypothèse selon laquelle 50 % du commerce se fera hors magasin ? Comment prendre cela en compte ?
  • L’intégration des casiers / consignes automatiques, un modèle adopté par bon nombre des opérateurs de la distribution, demain. Cette perspective aura pour conséquence directe la réduction des besoins en surfaces des enseignes et la probable mutation vers des fonctions répondant aux besoins logistiques.
  • Celle du digital, en train de s’imposer comme une nouvelle forme de proximité (30 % des commerçants sont adaptés au Click&Collect). De nombreux territoires ont souhaité s’engager dans le déploiement de solutions « clés en main » de type marketplaces ; si ces dernières ont pu s’avérer utiles au cœur de la crise sanitaire, elles ne trouvent souvent que peu leur place sur le long terme. 21 % des achats alimentaires en livraison à domicile à Paris sont effectués en quick commerce (39 % chez les moins de 28 ans) ; 42 % des internautes ont utilisé des services de livraison de repas à domicile en ligne au cours des 12 derniers mois.
  • La vente directe du producteur au consommateur pour l’alimentaire au détriment des points de vente alimentaire (en baisse). Solutions de diversification plus rémunératrices et complémentaires pour les producteurs, et soutenue par de nombreuses collectivités, ces modalités nouvelles sont souvent peu prises en compte dans les stratégies d’urbanisme commercial, touchant aux fonctions de proximité en dehors des périmètres de centres-villes.
  • La croissance du marché de l’occasion et de la seconde main serait de l’ordre de 15 %, alors qu’il pèse aujourd’hui entre 5 et 7 % des dépenses non alimentaires ; 80 % des e-acheteurs ont déjà acheté ou vendu ces produits. Cette approche inclut également les pratiques collaboratives (achat en commun de biens, co-voiturage).
  • Les pratiques des dark-stores, les dark-kitchens principalement concentrés aujourd’hui à Paris et dans les grandes villes, un phénomène qui bouscule les perceptions traditionnelles du commerce alimentaire. J’ajoute les magasins éphémères.

♦Les questions posées pour gérer l’urbanisme commercial

Ces phénomènes peuvent s’analyser comme une adaptation des formes de commerce, d’une part aux nouvelles temporalités de consommation, et d’autre part à une nouvelle gestion des mobilités dans nos villes (moins de voiture donc moins de capacité à gérer soi-même sa logistique d’achat). Quelle sera alors la place du commerce physique demain sur les territoires ? Aura-t-il davantage un rôle expérientiel (théâtralisation et personnalisation) ? Une vocation de show-room (lieu d’exposition des produits) ?

Pour conforter la place du centre-ville, espace de vie, de balade, de rencontres et de convivialité des actions fortes sont à engager pour améliorer l’ambiance d’achat et, plus largement, réinvestir l’espace public pour le rendre désirable et attractif. Rappelons que 64% des usagers sont attachés à leur centre-ville (73 % chez les 18-24 ans) et que 73 % les fréquentent au moins une fois par semaine.

70 % des commerçants sont aujourd’hui locataires contre 30 % il y a 10 ans. Or l’évolution des loyers commerciaux montre leur décorrélation avec la rentabilité des points de vente. L’immobilier commercial, comme tertiaire, est passé en une vingtaine d’années d’un marché indexé sur des potentiels de marchés locaux à un marché de placement financier stimulé par un contexte fiscal très favorable (Société d’Investissement Immobilier cotée, et Sociétés Civiles de placement immobilier). La potentielle valeur ajoutée générée ne s’évalue plus au regard du nombre d’emplois créés ou du chiffre d’affaires mais à la valeur des murs inscrite au bilan.

Les surfaces et galeries commerciales vont devoir se réorganiser. Le chiffre d’affaires des hypermarchés a fléchi de 30 % sur ces 10 dernières années en non alimentaire. Cette transition prend la forme d’une transformation progressive des galeries marchandes par la location (shop- in-shop) mais aussi par la diversification d’activités en y accueillant de nouveaux services comme le médical, générateur de flux. Les parkings vont devenir d’importants actifs sur lesquels capitaliser notamment pour densifier verticalement des sites périphériques.

Le rapport propose ensuite 5 axes pour agir.

Pour en savoir davantage : "Pour un commerce durable et accessible : préparer la transformation commerciale des territoires", ’Intercommunalités de France, septembre 2023

Méthodologie : étude conduite par l’Agence LA ! Lestoux et associés
Pas de méthodologie proposée.
La compétence partagée avec les communes : sans définition légale à ce jour, elle comprend le soutien, le maintien, le développement et la création de commerces de proximité ou de première nécessité et les études de faisabilité l’organisation et la promotion d’événements et d’animations à vocation commerciale. La compétence inclut aussi le montage, l’animation et le suivi de tous dispositifs en faveur du commerce, ou encore l’encouragement pour la mise en place d’une dynamique d’animation commerciale collective du commerce local et les opérations de restructuration de l’artisanat et du commerce. Un des défis importants est de développer une stratégie commerciale à l’échelle du bassin de vie en cohérence articulée avec ses différentes compétences (aménagement, mobilité, habitat, environnement, déchets, …).
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




Sur le même thème