Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
09 nov 2023

Les organisations de l’ESS peuvent-elles être lucratives ?

Les investisseurs en fonds propres ne peuvent espérer une augmentation de la valeur de ces fonds.
L’ESS regroupe divers types d’entreprises telles que les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations, ainsi que les sociétés commerciales qui remplissent des critères spécifiques définis par la loi. L’objectif est de concilier activité économique et utilité sociale.

Selon l’observatoire national de l’ESS, ce secteur compte environ 165 000 entités légales employeuses, principalement des associations, avec 2,4 millions de salariés, représentant ainsi 10,5 % de l’emploi salarié en France (et 14 % dans le secteur privé), ainsi que 12 millions de bénévoles. Elle contribue à hauteur de 10 % du PIB.

La lucrativité dans l’ESS

Les trois principaux fondements partagés au sein de l’ESS sont la gouvernance participative ou démocratique, la poursuite d’un projet d’utilité sociale et une limitation voire une interdiction de la recherche excessive de profits.

♦ En quoi consiste précisément cette limitation des bénéfices ? 2 aspects :
  • D’une part, les bénéfices ou les surplus éventuels générés par une structure de l’ESS doivent être principalement réinvestis au sein de la structure elle-même (dédiés au maintien ou au développement de son activité) et/ou partagés avec les salariés. Les réserves obligatoires, qui ne peuvent être redistribuées, sont intégrées au capital.
En ce qui concerne les sociétés, la distribution de dividendes est, soit secondaire, soit prohibée. En cas de liquidation ou, le cas échéant, de dissolution, la totalité du “boni de liquidation” doit être réaffectée à une autre structure de l’économie sociale et solidaire.
  • D’autre part, les investisseurs en fonds propres ne peuvent espérer une augmentation de la valeur de ces fonds. Ainsi, ils ne peuvent s’enrichir grâce à ces apports.
    • Pour les mutuelles (qui sont des sociétés de personnes), l’apport se fait à travers des cotisations. Les mutuelles sont incessibles ; il est impossible de récupérer les fonds.
    • Dans les coopératives, les banques et les assurances mutualistes ainsi que les sociétés commerciales, l’apport de fonds se fait en échange de parts sociales ou d’actions qui peuvent être revendues selon des modalités spécifiques et en général sans possibilité de générer des plus-values.
Elles ne rétribuent pas le capital investi et ne garantissent pas le maintien de sa valeur : en effet, le rachat au nominal (c’est-à-dire au prix initial), lorsqu’il est possible, ne compense pas la perte due à l’inflation. Un calcul simple montre ainsi qu’a priori, l’apport en capital se fait à perte.
  • Cependant, dans le cas des coopératives, les avantages liés à la qualité de coopérateur peuvent compenser, dans certains cas, ces pertes en capital. Cette contrainte a un aspect positif en ce sens qu’elle permet une certaine sécurisation et pérennité des structures de l’ESS, qui sont à l’abri des cessions et autres restructurations liées aux opérations “financières” visant principalement à dégager de la valeur pour les actionnaires ou les détenteurs de parts sociales.
  • Cela signifie également que ces structures ne peuvent pas attirer massivement l’épargne des ménages. Elles ne rémunèrent ni le risque (qui existe néanmoins), ni la privation de l’usage de l’argent placé (et la préférence pour le présent de la plupart des épargnants), ni le coût d’opportunité (le gain lié aux alternatives disponibles).
Elles ne peuvent offrir que des rendements limités pour les membres sociétaires ou coopérateurs. Le développement ne bénéficiera pas aux investisseurs en fonds propres.

Les principes régissant le partage de la valeur dans l’ESS semblent privilégier d’une part la qualité d’utilisateur par rapport à celle d’investisseur (notamment avec la “double qualité” des membres sociétaires ou coopérateurs qui sont à la fois investisseurs et utilisateurs), et d’autre part la pérennité de la structure plutôt que l’enrichissement de l’investisseur. Ainsi, sur le plan financier, la logique de l’ESS est bien différente de celle des sociétés capitalistes. Cela n’est pas le cas pour le deuxième pilier (l’utilité sociale) que l’on peut trouver dans les entreprises à mission ou à impact positif.

Pour en savoir davantage : "La lucrativité limitée des entreprises de l’économie sociale et solidaire", Bulletin de veille et de capitalisation d’innovation sociétale – n°59 – Octobre 2023
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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