Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Conjoncture 
28 nov 2023

Quels enseignements relatifs à la consommation tirer du Black Friday ?

Une ambiguïté où l’on conjugue souci d’économie et plaisir de consommer.
Le Black Friday rime d’abord avec surconsommation (85 % de la population, dont 48 % « tout à fait d’accord »), un sentiment partagé de manière uniforme par l’ensemble des groupes sociaux.

♦ En 30 ans, la possession d’objets est devenue moins centrale. Aujourd’hui, la priorité est donnée aux relations sociales ; de nouvelles dimensions comme la liberté, un mode de vie « sain » sont apparues, tout comme les formes corrélées au « bien-être », au « calme » ou à la « douceur », aux activités créatives et sportives, remplaçant les notions d’argent, de réussite sociale et le pouvoir qu’elles octroient d’acquérir facilement des objets. En tête des activités auxquelles les Français aimeraient consacrer plus de temps, on trouve les promenades dans la nature (81 %), les réunions familiales ou amicales (81 %), les sorties comme le cinéma et les bars (61 %) ou le shopping (31 %). La période de la crise sanitaire a favorisé la progression d’activités comme le bricolage ou le ménage (64 % aspirent à en faire davantage) et la lecture (58 %).

La notion de sobriété s’installe dans le débat public et les normes sociales semblent valoriser les attitudes qui s’y rattachent. Ainsi en 2019, 77 % des Français déclarent faire durer leurs objets le plus longtemps possible et plus et 66 % disent ne pas acheter d’articles qui ne leur sont pas nécessaires. Les tensions sur le marché de l’énergie (difficulté d’approvisionnement et hausse des coûts) ont accentué ces attitudes. Dans le contexte actuel d’inflation, 67 % des Français déclarent s’imposer régulièrement des restrictions sur certains postes de consommation.

♦ Cela étant les 2/3 des Français continuent d’associer consommation et plaisir, de manière constante depuis 10 ans ; et en moins de 10 ans, la moitié de la population s’est équipée de smartphone et les autres objets connectés. L’obsolescence programmée et le marketing (innovation, promotions) poussent les consommateurs à renouveler très souvent leurs équipements ; 64 % des détenteurs de smartphone utilisent un appareil datant de moins de 2 ans ; 47 % des détenteurs de télévision ont renouvelé leur poste alors que l’ancien fonctionnait encore.
Les frustrations accumulées depuis près de 2 ans nourrissent le désir de consommer : 73 % (+17 points) expriment le désir de vouloir voyager davantage, faire plus de sorties comme aller au bar, au cinéma (61 %, +12 points), ou plus de shopping (31 %, +6 points).

♦ Dans ce contexte, le Black Friday est vu comme une occasion de se faire plaisir (64 %) tout en réalisant des économies (59 %). Fin 2023, 44 % pensent s’acheter des vêtements, de l’équipement numérique ou de l’équipement pour la maison au moment du Black Friday. Les classes moyennes supérieures sont les plus ancrées dans ces intentions.

Toutes les intentions ne se concrétiseront pas en actes d’achat ; en novembre 2022, seulement 24 % avaient effectivement profité de l’événement, à comparer avec les 39 % qui ont fait des achats au moment des soldes d’hiver (ancrés de plus longue date dans les habitudes et sur une plus grande durée). Les périodes de soldes sont très largement associées aux achats de vêtements, alors que le Black Friday est davantage l’occasion d’acheter des équipements numériques ou de l’électroménager.

♦ Selon les générations
  • Les 15-24 ans adhèrent particulièrement aux visions positives du Black Friday : 74 % pensent que c’est une occasion de se faire plaisir, et 71 % cela permet de faire des économies ; 59 % envisagent d’acheter. Ils le feraient plutôt dans l’achat de vêtements (53 %, contre 37 % en moyenne).
  • Les 25-39 ans sont 57 % à envisager d’acheter, plus souvent de l’équipement pour la maison (33 %, contre 20 % en moyenne), une différence qui reflète l’évolution des aspirations au fil du cycle de vie.

♦ Les ambivalences face à un événement commercial comme le Black Friday sont tangibles : 62 % des Français se déclarent favorables à un encadrement plus strict des promotions et de la publicité, plutôt que de « faire confiance aux individus en leur donnant la liberté de consommer comme ils veulent » ; en période de tensions sur l’approvisionnement en énergie, 87 % se déclarent favorables à l’interdiction des écrans publicitaires numériques pour économiser l’énergie. De manière plus générale, 67 % souhaitent que des règles collectives limitent les comportements nocifs pour l’environnement, même si cela restreint certains choix de consommation (choix de certains modèles de voiture, prendre l’avion, changer souvent d’équipements électroniques…)

Au-delà de l’efficacité des gestes individuels, c’est donc vraisemblablement l’équité de la transition environnementale qui est au cœur des attentes, souhaitant que les impacts négatifs et les restrictions soient partagés par l’ensemble des concitoyens.


Pour en savoir davantage : "Le Black Friday, un condensé des ambivalences face à la consommation', Credoc N°331, novembre 2023

Méthodologie : les résultats présentés dans ce document sont issus de l’exploitation conjointe de questions présentes dans les dispositifs permanents d’études « Conditions de vie et Aspirations » (menée en octobre 2023) et « Tendances de Consommation » du CRÉDOC (menée en juillet 2023). Ces enquêtes sont menées en ligne chaque année, respectivement auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 personnes âgées de 15 ans et plus, et de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France, selon la méthode des quotas (région, taille d’agglomération, âge, sexe, CSP).
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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