Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
08 déc 2023

Comment les TPE-PME se préparent aux risques climatiques ?

Si une majorité d’entreprises se disent alertées sur les risques climatiques, une sur deux ne s’y sent pas assez préparée.

Les TPE et PME perçoivent les conséquences des risques climatiques pour leurs entreprises.

Les TPE et PME sondées sont très conscientes des risques climatiques futurs pour leur structure, même si celles-ci ne sont pas encore impactées : 68 % des entreprises répondantes pensent subir des dommages dans le futur (dont 45 % dans les 10 prochaines années), et 14 % déclarent déjà les subir.

Les risques de transition liés aux politiques publiques ressortent en tête parmi les préoccupations des répondants (70 % pensent qu’ils seront impactés par des changements réglementaires et par une augmentation de la fiscalité carbone ou environnementale).

57 % s’attendent à un impact négatif sur la disponibilité des matières premières (dont les risques physiques, liés aux ruptures d’approvisionnement, à la raréfaction des ressources et à la modification des coûts et délais) et 62 % sur leur prix ; 43 % des entreprises y voient un facteur de risques pour leur rentabilité ; 64 % craignent une augmentation de leur coût d’assurance.
Toutefois 43 % estiment que leurs produits verront leur attractivité augmenter et 47 % anticipent un impact positif sur leur image de marque.

Quels sont les risques climatiques pour les TPE-PME ?

♦ Les fortes chaleurs

Les évolutions des températures engendreront des pertes de production ou de façon indirecte en perturbant les conditions d’activités dans différents secteurs (interférence avec les infrastructures de transport, notamment ferroviaires, coupures d’électricité, augmentation des températures auxquelles sont exposés les équipements et la main d’œuvre, baisse des réserves d’eau, etc.).

L’augmentation des fortes chaleurs peut impacter de façon importante les risques professionnels physiques auxquels les travailleurs sont exposés (déshydratation, coups de chaleur, crampes, malaises, aggravation des maladies chroniques, baisse de vigilance etc.), pouvant dans certains cas causer des accidents graves, voire des décès.
Les personnes les premières concernées sont celles travaillant en extérieur (construction, plein air, acteurs du tourisme, etc.) mais aussi le personnel de bureau ne disposant pas d’un environnement de travail adapté. 1/3 des entreprises s’attendent ainsi à une baisse de la productivité de leur main d’œuvre à cause des fortes chaleurs.
Plus de 860 000 TPE et PME étaient exposées à plus de 50 jours anormalement chauds en 1976-2005, un chiffre qui devrait augmenter à 5,3 millions en 2050.

♦ Les inondations

Tous types de sinistres (particuliers et professionnels) confondus, le risque inondation devrait peser 50Md€ sur la période 2020-2050 sur l’assurance, soit +81 % par rapport à la période passée au vu d’une augmentation de 30 % de la sinistralité inondations.
Le nombre de logements potentiellement atteints par le recul du littoral en 2100 serait compris entre 5 000 et 50 000 en métropole et dans les DROM,

♦ Les feux de forêts

Les perturbations causées par les feux de forêts et leurs répercussions sur les entreprises sont multiples : directement des dommages et destructions des biens et terrains des entreprises, la baisse des stocks de bois, et les pertes économiques pour le secteur forestier par exemple et indirectement via des coupures de courant, des difficultés de circulation, ou en dégradant l’environnement local et les paysages pour les entreprises du secteur du tourisme.
910 000 TPE et PME étaient exposées à ce risque plus de 50 jours par an en 2020 ; elles seront 3,9 millions en 2050 (4 fois plus).
316 sites Seveso dont 187 sur les 662 à « seuil haut » étaient suffisamment proches de forêts pour être touchés en cas d’incendie. Alors que seulement 1/3 de ces sites étaient exposés à un niveau de risque élevé au moins 10 jours par an en 2000, en 2050, les 3/4 pourraient être menacés.

♦ Les sécheresses et manques de ressources en eau

La démultiplication des épisodes de sécheresse aura une incidence sur le secteur agricole (pertes agricoles et conséquences sur le bétail), et sur le prix des matières premières.
Une ressource en eau moins disponible peut aussi perturber le fret fluvial ou les opérations de refroidissement d’une entreprise. En 2018, un long épisode de baisse d’étiage du Rhin avait causé une baisse de moitié du trafic fluvial au port de Strasbourg, les coûts de transports de certaines marchandises comme les céréales et les graviers s’étaient alors envolés, au point de surpasser le coût de ces biens.

♦ Le retrait ou gonflement des sols argileux

Le dernier recensement du ministère de l’Écologie dénombrait 48 % des sols métropolitains moyennement exposés. Le retrait et gonflement des sols argileux représente la moitié des événements les plus coûteux depuis 1989, et 36 % de la sinistralité constatée au titre des catastrophes naturelles. Pourtant, seulement 13 % des entreprises interrogées anticipent un risque de dommages physiques aux infrastructures.

♦ La grêle, symptomatique du changement climatique 

Il est désormais présent partout sur le territoire, et avec beaucoup plus d’ampleur qu’avant ; à horizon 2050, la fréquence des orages de grêle devrait augmenter de 40 %.

♦ Les risques réglementaires

Les pouvoirs publics peuvent aussi choisir de mettre en place une taxe carbone généralisée ou spécifique à certains secteurs. Pour ce qui est de la taxe carbone, elle permet à la fois de contraindre les entreprises et faire évoluer les comportements des consommateurs, en intégrant la composante carbone dans le prix des produits.

Ces risques peuvent se traduire par :
  • Renforcer les obligations de reporting, particulièrement pour les acteurs financiers et les grandes entreprises qui peuvent s’approvisionner auprès de TPE et PME.
  • Imposer des réglementations sur les produits et services vendus par les entreprises. C’est ce type de risque réglementaire qui risque d’impacter le plus les TPE et PME (directement, ou indirectement car elles fournissent les grands groupes soumis à ces réglementations).
Les risques réglementaires se sont déjà fait ressentir dans plusieurs secteurs : automobile (interdiction de la vente à terme de voitures neuves à moteurs thermique à partir de 2035), l’immobilier (normes d’efficacité énergétique), le secteur agricole (interdictions d’utilisation de produits phyto sanitaires).

♦ Noter que les plus de 500 salariés sont aujourd’hui tenues de quantifier et identifier leurs postes d’émissions de gaz à effet de serre en réalisant un Bilan de Gaz à Effet de Serre. Elles doivent mesurer les émissions liées à la combustion directe d’énergie fossile ainsi que via leurs achats d’énergie, de chaleur et de climatisation. Elles doivent ensuite publier les résultats de ce diagnostic sur une plateforme officielle de l’ADEME, ainsi qu’un plan de transition détaillant les actions qu’elle envisagent de mettre en place pour réduire leur impact carbone. Dès janvier 2023, les autres postes significatifs devront aussi être comptabilisés selon le secteur, comme : les achats, les déplacements des salariés et professionnels, le fret, les immobilisations ou l’utilisation et la fin de vie des produits.

Ces entreprises sont-elles assez préparées ?

♦ Si plus d’une entreprise répondante sur 2 affirme ne pas se sentir suffisamment préparée, 37 % sont relativement sereines quant à leur niveau de préparation.
Noter que 54 % ont déjà mis en place des actions d’adaptation (adaptation de l’offre, collaboration avec d’autres structures, diversification des fournisseurs, mise en place de mesure de préventions des risques).
Mais noter aussi que les 3/4 ne connaissent pas les dispositifs d’accompagnement pour l’adaptation au changement climatique.

♦ Noter que le Fonds Barnier (fonds de prévention des risques naturels majeurs) soutient des mesures de protection et de prévention des biens et des personnes exposés aux risques naturels majeurs. Il peut être mobilisé par les entreprises de moins de 20 salariés. Il vise à financer les travaux rendus obligatoires par plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) ou identifiés par un diagnostic de vulnérabilité de la construction (réalisé par un professionnel) et inscrits dans un programme d’action de prévention des inondations (PAPI). Le financement possible s’élève à hauteur de 20 % pour les biens à usage professionnel.

♦ Des outils pour l’adaptation : le diagnostic de vulnérabilité

Pour identifier les impacts du changement climatique sur son entreprise, en prenant en compte les évolutions des conditions climatiques moyennes et extrêmes (vagues de chaleur, inondations), les événements passés qui ont déjà atteint l’entreprise, et une estimation des impacts directs et indirects (financiers, sociaux) sur l’entreprise. Il y a lieu de hiérarchiser ces impacts.
L’impact d’un risque sur l’activité d’une entreprise peut être abordé en fonction de la vulnérabilité : comprendre la prédisposition du système à subir des dommages en cas d’incident, et/ou analyser la probabilité d’occurrence de l’aléa dans un contexte donné.

Suit un tableau qui développe les méthodologies à mettre en œuvre, 6 portraits de TPE-PME et une importante bibliographie.

Pour en savoir davantage : "Les risques climatiques pour les TPE/PME" Goodwill management en partenariat avec MAIF, l’Agence LUCIE et Baker Tilly, octobre 2023

Méthodologie : 300 TPE et PME répondant à un questionnaire en ligne couvrant les enjeux associés aux risques climatiques et la manière dont ceux-ci sont pris en compte par les entreprises. Le questionnaire a été diffusé à l’ensemble du réseau MAIF, de l’Agence Lucie et de Baker Tilly.
La taille des entreprises participantes : 17 % effectif d’une personne en ETP, 18 % de 2 à 9, 35 % de 10 à 49, 15 % de 50 à 99, et 15 % de 100 à 249 ETP, donc en majorité des PME.
Par activité : 56 % sont le fait de services (dont 38% autres services, 8 % l’informatique, communication, 7 % la finance et l’immobilier, 3 % la santé et les activités récréatives), 13 % l’industrie, 7 % le commerce et les HCR, 7 % l’agriculture, 3 % la construction et 3 % le transport.

 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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