Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
22 mar 2024

L’agriculture compte 14 000 nouvelles installations annuelles

L’agriculture se transforme avec l’évolution de la hausse de la taille des exploitations, le développement de nouvelles activités et les nouveaux profils d’installés.

Les caractéristiques des exploitations agricoles

En 2020, la France compte 416 436 exploitations agricoles, dont 390 000 en métropole. 26 % sont le fait d’exploitations en grandes cultures, 33 % en élevage de bovin, et 31 % les autres.

♦ La structure juridique : 41 % des exploitations agricoles sont constituées en entreprise individuelle, vs 40 % en formes sociétaires, où l’Entreprise Agricole à Responsabilité Limitée (EARL) en constitue la moitié. La proportion d’agriculteurs qui font partie de plusieurs sociétés s’élève à 10 % (dont 3 dans au moins 4 sociétés).

♦ L’investissement total annuel dans le secteur agricole représente en moyenne 10 à 20Md€ mais avec des disparités importantes d’une filière à l’autre. Par exemple, les investissements sont 3 fois plus élevés en élevage porcin qu’en horticulture.
Seule une minorité d’acteurs peut financer des investissements. Ainsi, sur une année, 10 % des exploitations investissent plus de 50 000€ alors que 50 % d’entre elles investissent moins de 10 000€.

♦ Le recours au salariat et à la main d’œuvre externalisée est de plus en plus fréquent et la place prise par les prestataires agricoles plus importante. Entre 2003 et 2016, le nombre de salariés des entreprises de travaux agricole (ETA) a augmenté de 71 %, ceux des groupements d’employeurs de 213 %. Ce phénomène s’accompagne d’une précarisation des emplois, avec la multiplication des CDD (notamment en viticulture, arboriculture et maraichage). Le ratio des salariés permanents rapportés aux exploitants, qui n’avait cessé de diminuer jusqu’en 1988 où il se situait à 13 %, atteint plus de 25 % aujourd’hui.

♦ L’agriculture se recompose désormais autour de deux grands ensembles : une agriculture traditionnelle, de taille moyenne avec des exploitations familiales et une agriculture de type industriel, avec de grandes entreprises agricoles (10 % des exploitations mais 30 % de la production brute standard agricole totale).
Dans les céréales et cultures fruitières, l’exploitation est souvent dirigée par une seule personne. A l’inverse, les fermes spécialisées dans l’élevage bovin à orientation laitière sont pour 60 % dirigées par plusieurs exploitants.
Les secteurs du maraichage, de la viticulture et des fruits sont ceux qui emploient le plus grand nombre de salariés, notamment des prestataires et des salariés occasionnels. Inversement, les exploitations d’élevage de bovins sont celles qui mobilisent le plus de main d’œuvre familiale.

Les revenus et le patrimoine

♦ Des revenus complémentaires non agricoles peuvent ainsi être générés par des activités de transformation, de vente de produits artisanaux, d’agro-tourisme, mais aussi de production d’énergies renouvelables. Le revenu disponible moyen des ménages agricoles (52 400€ en 2018,) provient seulement pour 1/3 de l’activité agricole elle-même, le complément étant issu pour l’essentiel des salaires, soit du conjoint, soit de l’agriculteur lui-même (un agriculteur sur cinq est bi-actif). Noter que 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 13 000€ par an pour une personne seule).

L’ADEME estimait qu’environ 20 % de la production d’énergies renouvelables françaises était issue du secteur agricole (en 2015, 1,4Md€ soit 2 % du CA de l’agriculture), et 3,5 % de la production globale d’énergie. 50 000 exploitations étaient impliquées en 2015 avec une estimation de 140 000 en 2030.

♦ Le secteur agricole est également très hétérogène en termes de niveau de patrimoine. Entre 2004 et 2015, le patrimoine brut des ménages d’agriculteurs a ainsi plus que doublé, passant de 489 724€ à 1 040 000€, soit 920 000€ net après déduction des dettes.

L’évolution

♦ Les entreprises agricoles étaient 4 fois plus nombreuses en 1970 ; c’est 100 000 exploitations de moins en 10 ans (baisse de 20 %).

Par ailleurs, la surface agricole utile (SAU) s’est stabilisée depuis le début des années 2000, avec 69 ha, contre 42 ha en 2000 (+ 39 %). Le poids des exploitations de moins de 20ha a baissé de 43 à 38 % sur la même période.

♦ Tous les secteurs d’activité ne sont pas impactés de la même manière par la vague de départ. L’élevage est le secteur le plus touché : entre 2010 et 2020, les exploitations d’élevage de porcins et volailles (-36 %), d’ovins et caprins (-36 %), bovins (-26 %). Cette baisse s’explique par la faible attractivité du métier d’éleveur (pénibilité des conditions de vie et de travail, liés aux astreintes) et par l’investissement financier (taille des exploitations et infrastructures très lourdes). En revanche, la baisse est moins marquée en viticulture (-16 %), alors que le nombre d’exploitations se maintient en grandes cultures (-3 %) et progresse dans les secteurs de l’horticulture et du maraîchage (+9 %).

Le profil des agriculteurs moins nombreux et plus âgés

♦ De plus de 2,5 millions en 1955, la population des exploitants agricoles (chefs d’exploitation et coexploitants) est passée à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020 selon les résultats du recensement agricole de 2020. Si la baisse était forte entre 1988 et 2000, l’évolution est plus mesurée ces dernières années (-1.9 % en moyenne annuelle depuis 2010).

Les exploitants sont en moyenne plus âgés qu’en 2010 (51,4 ans en 2020 contre 50,2 ans en 2010). Ils constituent d’ailleurs la CSP la plus âgée de la population active. En 2020, la moitié des exploitations étaient dirigées par au moins un exploitant de 55 ans ou plus.
Les fermes spécialisées en cultures fruitières (55 %) ou en grandes cultures (54 %) ont plus souvent un exploitant sénior. C’est moins le cas des spécialisations porcins, volailles, maraichages et horticulture.

♦ La féminisation du secteur reste relative (22 %). Cette part tend à baisser depuis des années car de moins en moins de conjointes d’agriculteurs sont répertoriées comme actives agricoles. Noter que la main d’œuvre familiale représente toujours 67 % du volume total de travail mobilisé par les exploitations en 2020 (vs 72 % en 2010).

♦ Leur localisation : les exploitants plus âgés sont plus nombreux dans le Sud-Ouest, l’Ouest francilien, en Normandie, aux Antilles et autour du littoral méditerranéen. C’est en Occitanie que leur part est la plus élevée, avec des écarts compris entre 38 % en Lozère et 52 % en Haute-Garonne ou dans les Hautes-Pyrénées. A contrario, la proportion d’exploitants âgés de 55 ans ou plus est faible dans les Pays de la Loire, en Bourgogne-Franche-Comté et à l’Est (des Vosges aux Hautes-Alpes).

Parmi les exploitations dirigées par un exploitant ayant dépassé l’âge de 60 ans, un tiers des agriculteurs déclarent ne pas prévoir d’arrêt de leur activité prochainement. Un quart envisagent une reprise (le plus souvent par un membre de la famille) et un tiers ne savent pas ce que va devenir leur exploitation dans les 3 prochaines années. Quelle que soit la taille de l’exploitation 31 à 35 % envisagent de poursuivre après 60 ans, mais l’importance des reprises envisagées varie beaucoup plus (de 16 % pour les micro à 45 pour les plus grandes).

♦ Ces évolutions démographiques ne sont pas uniquement françaises. Au sein de l’UE, seuls 12 % des chefs d’exploitation ont moins de 40 ans, selon Eurostat, et la proportion est encore plus faible en Espagne, au Portugal ou en Grèce. Cette baisse des effectifs est répartie sur la plupart des classes d’âge, et tout particulièrement sur les 40-54 ans.

Le profil des nouveaux installés en agriculture

♦ Un nombre croissant d’agriculteurs s’installent sans que leurs parents n’aient été agriculteurs. Ce sont 34,3 % des installations intervenues depuis 2010 (46 000 sur 133 000), contre seulement 22,7 % avant 2010. 1/3 des installations est le fait de personnes âgées de plus de 40 ans, en général des candidats extérieurs au parcours agricole classique, certains en reconversion professionnelle. Un peu plus féminisée, mieux formée, plus ouverte à la pratique bio et à la commercialisation en circuits courts, elle se distingue sur de nombreux aspects de celle de leurs prédécesseurs.

♦ Les nouveaux installés envisagent différemment leur mobilité professionnelle (une étape dans un parcours, un projet pour quelques années). Certains anticipent aussi un épuisement physique. D’ailleurs, leur taux de pluriactivité est élevé.

Parmi l’ensemble des chefs d’exploitation installés en 2016, 77 % exercent encore en 2022, ce qui signifie que près d’un quart ont abandonné. Le taux de maintien, 5 ans après leur installation, est plus élevé pour les jeunes (86 %), et plus faible pour les plus de 40 ans (65 %) et 48 % pour les installés suite à un transfert entre époux.

Il varie aussi selon l’activité. Pour l’élevage bovins-mixte, 95 % des jeunes installés en 2016 sont toujours exploitants agricoles en 2022, devant par ordre décroissant, les éleveurs bovins viande, les agriculteurs pratiquant la polyculture ou le poly-élevage, les céréaliers, les éleveurs bovins-lait, les éleveurs porcins.

♦ Quelques compléments à partir de l’enquête BVA Xsight conduite en novembre 2023 auprès de 600 agriculteurs dont 79 installés depuis moins de 10 ans.
  • En comparant les profils, les nouveaux installés sont moins souvent des hommes (71 vs 83 %), plus diplômés (53 post bac vs 37 %), avec un conjoint nettement moins présent (26 vs 42 %) et exerçant plus souvent une autre activité (19 vs 9 %).
  • 31 % des nouveaux installés effectuaient au préalable une activité sans lien avec l’agriculture. Par contre 24 % étaient au préalable salarié dans une exploitation agricole et 15 % exerçait une activité en lien avec l’agriculture. 30 % se sont installés directement sans avoir eu au préalable une activité professionnelle. 86 % ont repris une exploitation familiale (ce sont principalement des enfants d’agriculteurs).
  • Les nouveaux installés ont plus souvent acheté le foncier (50 % vs 39 pour les installés de plus de 10 ans) et sont moins souvent locataires (48 % vs 58).
  • 59 % des nouveaux installés déclarent avoir été accompagnés par le Point Accueil Installation (PIA) lors de leur installation (v.63 % pour leur prédécesseurs), d’autres par des réseaux alternatifs. 21 % n’ont pas été accompagné (vs 15 % les plus de 10 ans). La dotation jeune agriculteur (DJA) reste le dispositif central d’aide à l’installation long et contraignant mais ceux qui n’y ont pas recours ont pour raison le non accès à cette aide : 49 % notamment du fait qu’ils ont plus de 40 ans, 40 % n’ont pas voulu la demander, et 11 % ne la connaissait pas.
♦ Les principales difficultés rencontrées par les nouveaux installés :
  • l’accès au foncier, notamment pour ceux qui n’ont pas une famille d’agriculteur. La concurrence entre agrandissements et installations, celle avec d’autres forme de revenus qui conduit à garder l’usage de leurs terres plutôt que de vendre ou louer ((location pour une installation photovoltaïque par exemple), sans oublier l’émergence de sociétés de portage du foncier et les sociétés d’exploitation agricole qui acquièrent des terres (le marché des parts sociales a représenté 42 % des transactions en surface en 2021).
  • l’accord de la SAFER.

Pour information :
  • les terres non louées (libres non bâtis) se sont vendues au prix moyen de 5 940€/ par ha en 2021, contre 4 910€/ ha pour une terre louée.
  • en 2020, seulement 35 % de la surface agricole était cultivée par son propriétaire.
  • les cessions en faveur d’un tiers, n’ayant ni lien de parenté avec le cédant, ni parts dans la société, représentent 41 % du nombre mais 74 % de la valeur des cessions.
Suivent des chapitres sur les politiques d’appui et leur chiffrement.

Pour en savoir davantage : "Les nouveaux visages de l’agriculture" Terra Nova, mars 2024
 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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