Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
12 avr 2024

Les entreprises françaises plus sensibilisées à la formation continue que les européennes

Les entreprises françaises se distinguent par leur capacité à s’adapter au contexte et à profiter des dispositifs publics.

Les transformations ont principalement eu lieu au sein de celles déjà engagées, notamment dans une vision stratégique de la formation.

Lors de la dernière édition de l’enquête en 2015, les analyses montraient que si les entreprises des pays d’Europe de l’Est avaient encore des efforts à produire pour former leurs salariés, celles des pays de l’Ouest faisaient preuve d’une forte implication. Les entreprises françaises se distinguaient par un investissement soutenu, essentiellement sous la forme de cours et stages, mais accusaient un retard pour les formations en situation de travail (exemple, la valorisation des actions de formation en situation de travail).

Les dernières données disponibles des enquêtes attestent de la capacité d’adaptation des entreprises françaises face à la crise du Covid, quelle que soit leur taille, conférant à la formation une dimension stratégique. Les transformations ont toutefois principalement eu lieu au sein de celles déjà engagées dans ce domaine. Les petites entreprises restent toujours en retrait par rapport aux plus grandes, étant plus vulnérables aux fluctuations du cycle économique et aux chocs externes, tel celui provoqué par la crise sanitaire.

En quoi la France est davantage engagée que ses collègues Européens ?

La France fait partie des pays comptant les plus importantes parts d’entreprises avec une personne ou un service responsable de l’organisation de la Formation Professionnelle Continue, ou avec un plan ou budget de formation (62 %). dont dans les grandes entreprises (96%) davantage que dans les petites entreprises (56 %).

♦ En Europe, 27 % des entreprises évaluent constamment leurs futurs besoins en compétences. En France, elles sont 39 %, une proportion importante que l’on retrouve en Finlande, en Suède ou en Espagne.

♦ 55 % contre 43 en Europe identifient les compétences techniques et spécifiques au métier comme celles devant prendre le plus d’importance. Pour anticiper leurs futurs besoins en qualifications et compétences, l’option de la formation est particulièrement privilégiée par les entreprises, qu’il s’agisse de former les salariés déjà en place (90 % en France, 64 en Europe) ou de former spécifiquement les nouveaux recrutés (62 % en France, vs 43 en Europe). Cela s’avère particulièrement vrai pour les petites entreprises.

Les cours et stages financés par les entreprises Françaises visent des compétences techniques, pratiques ou spécifiques au poste de travail tournées avant tout vers la production (67 % vs 62 en Europe). À l’inverse, les compétences en langues sont parmi les moins citées (6 % en France et en Europe en 2020), en net recul par rapport à 2010 (18 % en France et 17 % en Europe en 2010).

♦ Un autre indice du degré d’intégration de la formation à la stratégie économique de l’entreprise réside dans l’attention portée à ses effets. Les entreprises françaises se distinguent nettement de leurs homologues européennes, sur les 4 registres d’évaluation : elles déclarent mesurer beaucoup plus fréquemment la satisfaction des participants (75 % vs 29,5), l’acquisition des compétences visées (59 % vs 29), la performance des nouveaux formés (57 % en France, ainsi que l’impact des formations sur les performances économiques (42 % vs 21).

En France, ce retour sur investissement semble tout autant attendu par les petites entreprises, sachant qu’elles forment en moyenne leurs salariés sur des durées plus longues (31 heures par salarié formé en 2020) que les grandes (21 heures), un rapport inversé en Europe (20 heures par salarié formé dans les petites entreprises et 24 heures dans les grandes).

L’adaptation au contexte de crise et l'effet d’aubaine

♦ Le maintien de l’effort de formation est un trait marquant des pratiques des entreprises en Europe malgré la crise sanitaire. Si la part d’entreprises formatrices à l’aide de cours et stages a légèrement fléchi par rapport à 2015, tout en restant supérieure à 2010, les taux d’accès se sont maintenus en Europe (42 % en 2020 contre 43 en 2015), et en France (47 % en 2020 contre 48 en 2015).

Les pratiques et les modalités de formation se sont adaptées avec la crise sanitaire. Pour la première fois, les entreprises ont plus souvent formé leurs salariés selon d’autres modalités que des cours et stages : c'est le fait de plus d’une petite entreprise sur deux ; ceci est particulièrement vrai en France, alors que le modèle Français est historiquement marqué par la très forte prédominance des cours et stages. Entre 2015 et 2020, la part des entreprises françaises recourant à ce mode de formation est en hausse de 15 points pour se situer à 39 %, proche de la moyenne européenne, notamment du fait de l’impossibilité d’organiser des cours et stages.

Mais dès 2021, avec la reprise de l’activité, la part d’entreprises formatrices en situation de travail en France retrouve son niveau de 2015 (24,5% contre 39 % en 2020 et 23,5 % en 2015). Les taux d’accès aux cours et stages ont quant à eux sensiblement progressé (52 % des salariés en 2021 contre 47% en 2020 et 48 % en 2015), comme le nombre moyen d’heures de formation par salarié (13,6 heures contre 10,7 en 2020), confirmant que l’effort de formation des entreprises suit le cycle de l’activité économique.

♦ De même que pour les formations en situation de travail, les entreprises françaises cumulaient un retard en matière de recours à l’apprentissage par rapport à certaines de leurs homologues européennes ; ce retard est largement comblé en 2020 ; alors que 33 % des entreprises hexagonales avaient recours à ce dispositif en 2015, elles sont 49% en 2020 (en Europe les proportions sont restées stables et atteignent 32 % en 2020), selon l’enquête CVTS ; les petites entreprises Françaises ont été 44 % à accueillir des apprentis en 2020 contre 29 % en Europe.

Les entreprises françaises se démarquent particulièrement par leurs motivations, mettant en avant le caractère opportuniste de leurs pratiques dans le contexte des mesures incitatives en faveur de l’accueil d’apprentis. 71 % des entreprises Françaises (70 % des petites entreprises et 76 des grandes) reconnaissent utiliser les capacités productives des apprentis tout en leur permettant de se former.
Ceci étant, en Europe 90 % (85 % en France) des entreprises déclarent accueillir des apprentis pour les former à des qualifications correspondant aux besoins de l’entreprise.

Les politiques de formation mises en place par les entreprises françaises semblent moins orientées vers la sécurisation des trajectoires de leurs salariés qu’à l’appui de leur croissance et de leur performance (cf les enquêtes Defis).

Noter encore que 30 % des entreprises Françaises, essentiellement des petites, ne dispensent aucune formation à leur personnel.

Pour en savoir davantage : 
"Formation professionnelle en entreprise, la France se distingue de ses voisins européens", Cereq Bref 450/2024 lu mars 2024

Source : l’enquête européenne d’Eurostat CVTS 6 au titre de 2020 et l’Enquête Formation Employeur annuelle (EFE-a) 2021 (France uniquement) sur les pratiques de formation des entreprises.

 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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