Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
25 jul 2024

2 295 start-ups interrogées par la Banque de France

L’étude rend compte des profils de ces start-up (notamment les activités), chiffres d’affaires et leurs évolutions, les emplois, leurs situations financières.

Profils des start-up

Les start-up de cette étude ont en moyenne 11 ans d’ancienneté, la moitié ayant entre 8 et 14 ans. 30 % sont localisées en Ile-de-France.
Leurs dirigeants ont en moyenne 47 ans ; 70 % ont entre 35 et 55 ans. 91 % des responsables légaux sont des hommes.

♦ Le chiffre d’affaires de 2 295 start-up de l’étude s’élève à 24,6 Md€, soit une moyenne de 10,5 M€ par entité. 25 % réalisent moins de 1,5 M€ de CA, 25 % ont un CA supérieur à 8,5 M€, la valeur médiane étant de 3,5 M€.
Le premier centile représente les start-up les plus avancées de l’écosystème : 23 entreprises réalisent un CA moyen de 239M€.

52 % réalisent une part de leur CA à l’export ; le CA à l’export représente 23,6 % de leur CA (un montant cumulé de 5,8 Md€).

Le chiffre d’affaires des start-up peut aussi s’analyser selon leur maturité :
  • Les start-up de 15 ans et plus (20 % de l’échantillon) réalisent en moyenne 15,7M€ de CA.
  • Les start-up ayant 10 à 15 ans (34 % de l’échantillon) réalisent un CA moyen de 10,7M€.
  • Celles ayant entre 5 et 10 ans concentrent une population en plein développement (40 % de l’échantillon,) avec un CA moyen de 8M€.
  • Les moins de 5 ans (6 % de l’échantillon) réalisent en moyenne 2,2 M€ de CA. Celles-ci sont en pratique bien plus nombreuses, comme en témoigne le dynamisme du capital amorçage soutenu notamment par l’activité des Business Angels.

Les évolutions en termes d’activité diffèrent selon les secteurs :

♦ Les plus fortes évolutions de chiffre d’affaires en 2023 (au moins 20 %) :

– Avec une progression de 39 %, le secteur de la mobilité est celui qui enregistre la plus forte croissance de CA en 2023, après une année 2022 déjà très soutenue (+35 %).
Le développement des batteries, des bornes de recharge, et plus largement de la mobilité électrique et hydrogène contribuent notamment à ce dynamisme.

Les start-up de l’énergie et de l’environnement réalisent un CA cumulé de 4 Md€ en 2023 (+27 %) contre 3,2 Md€ en 2022 ; elles enregistrent la plus forte croissance en termes d’effectif (+18 %), et recensent le plus de levées de fonds en nombre, comme en montants levés.

– Le CA des start-up de l’alimentation progresse de 25 % en 2023, soit le 3éme meilleur taux de croissance après les start-up de la mobilité et de l’énergie/environnement.

– Les start-up intervenant dans le secteur de l’éducation et des ressources humaines : le CA continue de croître en 2023 (+24 %), alors que le recrutement a ralenti (passant de +28 % en 2022 à +7 % en 2023).

– Les start-up industrielles enregistrent à nouveau un fort taux de croissance de leur CA (28 % en 2022, 22 % en 2023). Elles ont également continué de recruter au cours de l’année 2023.

♦ Les autres secteurs :

– Le secteur software et data affiche un taux de croissance du CA de 18 % et un CA cumulé d’environ 3,4Md€. Cette croissance est majoritairement soutenue par les solutions de gestion des données, de cybersécurité et d’IA prédictive. La montée en puissance de l’IA générative, qui a marqué l’année 2023, se matérialise principalement dans les levées de fonds.

– Progression des start-up de la santé de 15 % en 2023.

– Le CA des start-up du tourisme et des loisirs continue de croître (+14 % vs +23 en 2022), notamment porté par les innovations dans le domaine du sport, du gaming et de la réservation de voyages en ligne, sauf en effectif (+1 % en 2023).

Les start-up du e-commerce et les marketplace réalisent près de 3,5 Md€ avec une croissance des CA (+23 % de CA en 2022, +13 % en 2023), des effectifs (+24 % en 2022, +2 % en 2023).

Les sociétés du marketing digital et des nouveaux médias forment un écosystème mature (2,7Md€ de CA cumulé). Le secteur tire notamment parti de la percée de l’IA qui réinvente les contenus marketing, les chatbots ou encore l’expérience utilisateur ; le recrutement semble ralentir légèrement (+ 5 % en 2023).

– Le CA des fintech (+7 % en 2023) reste en progression malgré une conjoncture difficile marquée par la chute des levées de fonds et la baisse significative des valorisations ; le secteur a continué d’embaucher, et poursuivi l’internationalisation et la numérisation de son activité. Noter que le niveau d’activité mesuré ne comprend pas de nombreuses licornes (start-up valorisées plus de 1 Md$).

Les start-up proposant des solutions IoT (internet des objets) et hardware affichent un taux de croissance assez modéré (+ 5 %).

⇒ Quelles évolutions entre 2020 et 2023 ?
En 2020, les start-up qui proposaient des solutions digitales ont vu leur activité progresser en raison de la crise sanitaire.
En 2021, elles ont accéléré leur croissance et bénéficié de l’effet de reprise perceptible dans l’ensemble de l’économie.
En 2022, leur dynamique de croissance s’est poursuivie dans un contexte de forte inflation et de hausse des taux.
En 2023, même si l’inflation reste une composante du taux de croissance, les start-up conservent un rythme de croissance à 2 chiffres, certes en retrait par rapport aux deux années précédentes, mais plus de 3 fois supérieur à celui des TPE et PME.

En termes d’effectifs

Les 2 295 start-up de l’étude emploient 109 600 personnes à fin 2023 contre 101 500 à fin 2022 (+8 %). Avec 65 200 emplois, la région Île-de-France reste le premier pôle d’emplois.

En moyenne, les start-up emploient 49 personnes (25 en médiane) : 25 % emploient moins de 13 salariés, 25 % ont un effectif supérieur à 52 (noter que les 23 entreprises les plus importantes emploient en moyenne 581 salariés).

Selon l’ancienneté de l’entreprise :
  • 67 salariés en moyenne pour les start-up ayant plus de 15 ans,
  • 47 pour les start-up ayant entre 10 et 15 ans,
  • 41 pour les start-up ayant entre 5 et 10 ans,
  • 20 pour celles ayant moins de 5 ans.

Principaux agrégats financiers des start-up

♦ Les capitaux propres résistent :
Après une décennie de croissance ininterrompue des financements externes, 2023 a marqué une rupture : les levées de fonds sont en net retrait (8,3 Md€ en valeur), une baisse de 38 % par rapport à 2022 (année record) ; cette baisse s’explique principalement par la diminution des tickets supérieurs à 100 M€. En volume, le nombre d’opération (715) n’est en retrait que de 3 %.
Dans ce contexte, les capitaux propres (17,3 Md€ contre 15,9 Md€ un an auparavant) se renforcent de 9 %. La part relative des capitaux propres rapportés au total du bilan ne s’érode que légèrement, passant de 42 % à 40 %. 20 % des start-up de l’échantillon conservent des fonds propres négatifs.

♦ La dette bancaire progresse de 5 % et s’élève à 5,4 Md€ (5,2 Md€ en 2022).
83 % des start-up utilisent cette source qui représente 32 % de leurs fonds propres. Le financement obligataire est plus modeste en montant (1,3 Md€) et en nombre de start-up concernées (10 %) mais progresse de 37 %, principalement avec la mise en place de bridges (ponts de financements) destiné à soutenir les start-up entre 2 tours de table pour combler un manque de trésorerie.

♦ La trésorerie est préservée.
La trésorerie des start-up de l’échantillon s’élève à fin 2023 à 11 Md€, soit un montant quasi équivalent à celui relevé à fin 2022. Dans un contexte de baisse des financements, les start-up ont préservé leur trésorerie active sans sacrifier la croissance de l’activité et des emplois mais en se rapprochant de leur seuil de rentabilité.
Au rythme de consommation de trésorerie observé en 2023, les start-up en perte auraient moins d’un an de réserve devant elles hors nouvelle levée de fonds.

♦ La viabilité. Les pertes de l’exercice représentent 16,5 % du CA en 2023 contre 21,3 % en 2022. Contrairement à une idée reçue, toutes les start-up ne sont pas en perte : 36 % affichent un résultat d’exploitation positif (dont le cumul s’élève à 1 Md€), contre 64 % un résultat d’exploitation négatif (représentant près de 5,6 Md€ de pertes cumulées).

♦ Une hausse des défaillances perceptible dès le deuxième trimestre 2023. 105 start-ups ont fait l’objet d’une procédure judiciaire dont 76 au cours de l’année 2023 (taux de sinistralité annuel de 3,1 %) : 24 sont en cours au 1er trimestre 2024.
En cumul, les start-up défaillantes en 2023 employaient 2 318 salariés. La médiane écartant les dossiers les plus impactant donne une image plus fidèle du profil de ces entreprises avec 14 salariés.

La principale raison semble liée au retournement du marché du capital risque qui a freiné les négociations avec les investisseurs. 2/3 sont directement placées en liquidation judiciaire. Une défaillance sur cinq concerne une start-up du secteur de la santé. Viennent ensuite les secteurs de l’énergie et de l’environnement, de l’alimentation et du e-commerce.
Le profil des start-ups défaillantes se caractérise par une absence de fonds propres, la présence de lourdes pertes, la faiblesse de leur trésorerie.

Les perspectives

Dans ses projections macroéconomiques publiées en juin 2024, le scénario central de la Banque de France demeure celui d’une sortie progressive de l’inflation sans récession, permettant une reprise de la croissance plus nette en 2025 puis 2026. Mais le contexte politique reste très incertain du fait notamment des récents développements en France, et de facteurs géopolitiques (guerre en Ukraine, situation au Proche-Orient…)

Dans ce contexte, l’orientation des levées de fonds met en évidence les profondes transformations de la Tech, marquée par la percé significative des greentech et la montée en puissance de l’IA. Au premier semestre 2024, plus de la moitié des fonds levés dans la Tech ont été dirigés vers les greentech et l’IA (1,9Md€ sur un total de 3,5Md€). Cette nouvelle répartition des investissements confirme l’intérêt accru des investisseurs pour certains secteurs stratégiques (énergie, mobilités) et pour les technologies de rupture, notamment l’intelligence artificielle, devenue stratégique.

Les appuis proposés aux start-ups

– La Médiation du crédit, pour les entreprises qui font face à des difficultés ponctuelles de financement en proposant des délais supplémentaires de remboursement de leurs PGE.
Elle propose une boîte-a-outil du dirigeant pour mieux connaitre les dispositifs existants de détection et de soutien. Dans le même esprit, le collectif d’entrepreneurs le Galion projet met à disposition un Guide des Procédures Collectives qui présente un éventail des solutions pouvant être activées par les dirigeants le plus en amont possible.
– Doté de 54Md€ sur 5 ans, le programme France 2030 investit massivement dans les technologies innovantes et le soutien à la transition écologique,
– Lancée en juin 2023, l’initiative « Tibi 2 » mobilise 7Md€ de fonds privés pour financer principalement la décarbonation et les projets technologiques les plus innovants,
– La French Tech, chargée de soutenir la structuration et la croissance de l’écosystème des start-up françaises avec l’animation d’un réseau de communautés et capitales et de programmes ciblés,
• La réforme du statut de Jeunes-Entreprises-Dispositif midy entrée en vigueur depuis janvier 2024 introduit de nouvelles catégories pour l’innovation de croissance ou de rupture,
• La French Tech Corporate Community fédère les efforts de grands groupes franco-européens autour des défis de leur transformation numérique et de leur relation aux start-up,
• La Commission de l’Intelligence Artificielle propose de créer un fonds d’investissement « France & IA » de 10 Md€ pour soutenir l’écosystème français de l’IA.


Pour en savoir davantage : "Situation financière des start-up en 2023", Banque de France, juillet 2024

Méthodologie : une start-up se distingue d’une entreprise traditionnelle lorsqu’elle possède au moins trois grandes caractéristiques : un fort potentiel de croissance, l’usage ou la création d’une technologie nouvelle, et un besoin de financement souvent assuré par des levées de fonds.

En 2023, 2 525 start-up réalisant un CA > 750 k€ ont été identifiées. Pour rendre compte de la dynamique de l’écosystème Tech, les start-up ayant réalisé une levée de fonds supérieure à 3M€ (et pour lesquelles le CA est inférieur à 750 k€) au nombre de 1105 start-up ont été intégrées dans l’échantillon pour totaliser 3630 start-ups. À la date d’extraction du fichier, source de cette étude (10 juin 2024), 2 295 bilans répondaient à ces exigences (2023 avec un chiffre d’affaires > 750 k€ et 272 avec une levée de fonds > 3 M€ et un CA < 750 k€).


 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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