Fondation d'entreprise
 
 
André Letowski
Etude 
03 déc 2024

Quelles relations entre les indépendants et les plateformes ?

Les indépendants qui travaillent avec des plateformes exercent des activités fort différentes. Ils font face à des exigences émotionnelles plus fortes que les salariés.

⇒ Qui sont-ils ?

42 % sont des micro-entrepreneurs (vs 33 parmi les autres indépendants) et 14 % exercent plusieurs activités professionnelles, ce qui peut correspondre à la multiplication de missions de courte durée, souvent pour atteindre des revenus du travail suffisants.

♦ Le profil des travailleurs de plateforme est à mi-chemin des salariés et des indépendants. C’est une population un peu plus masculine (57 vs 50) et un plus âgée (34 plus de 50 ans vs 31) que les salariés mais moins que les autres indépendants (57 vs 61 et 34 vs 41).

44 % ont au plus le bac (vs 44 les salariés et 48 les autres indépendants), mais Ils ont moins d’expérience dans leur emploi actuel que les autres indépendants (54 % au moins 5 ans vs 63), mais un peu plus que les salariés (54 vs 53).

♦ Dans quel type d’activité ?
Intermédiaires et prestataires dans le domaine des loisirs, des services financiers, immobiliers ou d’assurance ; exploitants d’établissements de l’hôtellerie-restauration, professionnels de santé, spécialistes de la rééducation ou du soin du corps ; artisans de la réparation et du travail des matériaux, du bâtiment, du transport de personnes. Aucun de ces groupes de métiers ne représente une part supérieure à 10 % parmi les travailleurs de plateforme. Cette population se caractérise avant tout par une très forte hétérogénéité des profils et des activités.

⇒ Ce sur quoi la plateforme intervient ?

La plateforme organise au moins une partie du travail pour 44% des travailleurs, qui se décline ainsi :
  • 21 % reçoivent des instructions précises sur la manière de travailler ; parmi ces derniers, 12 % peuvent être sanctionnés s’ils ne les appliquent pas ; pour 20 %, la plateforme contrôle la manière dont les tâches sont réalisées ; au total, 34 % voient leur travail contraint par au moins un de ces deux types de prescriptions.

  • Mais 21 % se voient aussi proposer des formations pour améliorer leurs compétences et 12 % des informations ou des équipements pour protéger la santé au travail ; au total, 26 %. 
Leur travail est alors fortement numérisé, utilisant des équipements numériques (logiciels, applications, ordinateurs, smartphones, etc.) de façon intensive au moins 3 heures par jour, bien plus que les autres catégories d’emploi (83 %, vs 71 pour les salariés et les autres indépendants).

Pour 58 % leur travail est noté par des clients ou le public (note chiffrée, étoiles, smileys, etc.) vs 29 pour les autres indépendants et 20 pour les salariés.

32 % pratiquent le télétravail (vs 26 les salariés et 24 les autres indépendants). Seuls 8 % mentionnent des difficultés au travail avec ces équipements (vs 10 les autres).

⇒ Leur temps et modalités de travail.


Ils travaillent 42 heures par semaine, bien plus que les salariés (36 heures) ; les pratiques sont toutefois hétérogènes : 28 % ont un temps de travail hebdomadaire inférieur à 35 heures, tandis que 61 % travaillent 40 heures ou plus (ces % sont proches des autres indépendants).
Ils travaillent plus souvent le week-end (88 %, vs 82 les autres indépendants et 50 les salariés), le soir, la nuit ou très tôt le matin (75 % vs 68 les autres indépendants et 50 les salariés).

♦ Dans ce contexte, ils sont 70 % à recevoir des plaintes des proches concernant leurs horaires, suggérant des difficultés à articuler vie familiale et vie professionnelle (vs 69 les autres indépendants et 52 les salariés). Ils font ainsi face à des exigences émotionnelles plus fortes que les salariés et les autres indépendants du fait d’une activité presque exclusivement effectuée au contact du public (90 % vs 80 les autres indépendants et 68 les salariés).

♦ Ils manquent davantage de soutien social que les autres indépendants et que les salariés ; ils se sentent plus souvent isolés ; ils considèrent que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur.

♦ En revanche, Ils présentent des niveaux d’insécurité socioéconomique à peine supérieurs (50 % vs 43 les autres indépendants et 24 les salariés).
Ils disposent d’une autonomie importante et sont moins souvent confrontés à des conflits de valeurs que les salariés (absence de sentiment d’utilité du travail, devoir faire des choses qu’on désapprouve.

L’état de santé des travailleurs de plateforme est globalement meilleur que celui des autres personnes en emploi (30 % d’entre eux déclarent ne pas avoir une bonne ou une très bonne santé, vs 35 les autres indépendants et 37 les salariés). Les troubles du sommeil, douleurs fréquentes sont toutefois mentionnées dans des proportions semblables pour ces différentes catégories de travailleurs. Un constat qui s’explique par des différences de caractéristiques individuelles.

⇒ Leurs souhaits de changement de situation professionnelle.

Dans les 3 ans à venir les souhaits sont moins fréquents que ceux des salariés, mais relativement proches de ceux des autres indépendants. Lorsqu’ils souhaitent changer de situation, les raisons qu’ils invoquent le plus fréquemment sont l’amélioration des conditions de travail la préservation de l’état de santé ou des perspectives professionnelles.

Ces résultats moyens masquent des différences selon les métiers, dues à la forte hétérogénéité des pratiques et aux degrés de contraintes et ressources propres à chaque plateforme.

Pour en savoir davantage 

Les travailleurs de plateforme : quels profils et quelles conditions de travail ?", Dares Analyses N°69, novembre 2024
Méthodologie : l’enquête Tracov 2 a été réalisée début 2023 par la Dares sur un échantillon de 63 579 personnes âgées de 18 à 64 ans résidant en France ; 28 122 personnes en emploi ont répondu. Dans l’enquête, les travailleurs des plateformes sont identifiés par la question « Dans votre travail de micro-entrepreneur ou d’indépendant, accédez-vous à la clientèle par l’intermédiaire d’au moins une application mobile ou site internet de mise en relation (exemples : Uber, Deliveroo, Leboncoin, Allovoisins, Taskrabbit, etc.) ? ». 600 personnes (2% des personnes en emploi) ont répondu : « Oui, pour la plus grande part de mon activité » ou « Oui, pour une faible part de mon activité ». Elles sont considérées comme des « travailleurs de plateforme » dans cette étude.
Ne sont donc pas pris en compte les chefs d’entreprise qui sont actionnaires minoritaires au sein de leur société.

 
André Letowski est expert en entrepreneuriat, en petites et très petites entreprises. Il publie une note mensuelle regroupant une sélection brute ou retravaillée et commentée des corpus statistiques français, des enquêtes et publications concernant le domaine des TPE, PE et PME.




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