Pourquoi le départ d’un associé est-il toujours un moment délicat ?
Parce qu’un associé, ce n’est pas qu’un partenaire financier ou un collègue. C’est une personne avec qui on a traversé les premières galères, les premières réussites, les décisions importantes… C’est une relation forte, parfois aussi forte qu’un lien familial.Et pourtant, ce moment finit toujours par arriver : retraite, changement de vie, maladie, désaccord, conflit... Ce qui est regrettable, c’est que beaucoup d’associés n’anticipent pas ce moment dans les actes fondateurs. On prépare l’entrée, rarement la sortie.
Le départ en retraite est souvent attendu, et pourtant, il fait peur. Comment le gérer sereinement ?
C’est un moment charnière, à la fois attendu et redouté. Pour beaucoup d’entrepreneurs, partir à la retraite, c’est perdre une part de soi. L’identité est souvent mêlée à celle de l’entreprise. Certains fondateurs s’accrochent, parfois au détriment de leur santé ou de celle de l’entreprise. Ils finissent par vivre « la bataille de trop » et mettent en danger ce qu’ils ont misdes années à construire.
À l’inverse, ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui préparent ce départ, longtemps à l’avance. Ils accompagnent la relève, font monter leurs successeurs en compétences, passent progressivement le flambeau. Ce n’est pas une simple vente de parts : c’est une transmission. Et parfois, le rôle le plus précieux qu’on puisse jouer, c’est celui de président
fondateur, de mentor en retrait, de passeur.
Et quand le départ est imprévu, voire subi, comme un décès ou un divorce ?
Ce sont des situations très difficiles, humainement, mais aussi juridiquement. Le pacte d’associés joue un rôle essentiel : il protège l’entreprise des accidents de la vie privée. Un divorce peut avoir des répercussions très concrètes sur l’entreprise si les parts sociales ne sont pas bien cloisonnées. Idem en cas de décès : souhaite-t-on que les héritiers deviennent associés ? Est-ce prévu ?Le livre Choisir ses associés – Entreprendre au pluriel recommande de :
• prévoir des clauses d’agrément dans les statuts pour contrôler l’entrée de nouveaux associés,
• établir une valorisation claire et objective des parts,
• faire signer au conjoint une clause précisant que les parts sont issues de biens propres,
• anticiper la transmission dans un testament.
Ce sont des sujets difficiles à aborder au début, mais c’est une vraie preuve de respect et de prévoyance.
Et lorsqu’un associé souhaite partir de son propre chef, sans événement extérieur ?
Ça peut arriver pour plein de raisons : lassitude, divergence stratégique, opportunité ailleurs… Ce n’est pas forcément un drame. Tout dépend de la manière dont c’est fait.J’ai le souvenir d’un duo d’associés très soudés : l’un est parti pour un poste salarié, plus stable. Ils ont suivi les procédures prévues, se sont fait accompagner, et leur relation est restée intacte. Il est même devenu client de son ancien associé ! C’est une belle histoire. Mais parfois, cela se passe moins bien. Un conflit larvé, des tensions personnelles… Même un bon pacte d’associés peut ne pas suffire. Il faut alors passer par la médiation, le compromis, parfois même de la négociation émotionnelle. On peut céder plus que prévu, juste pour tourner la page. Ce n’est pas un échec, c’est un choix stratégique.
Que faire quand l’associé ne veut pas partir… mais qu’il n’est plus adapté à l’entreprise ?
C’est une des situations les plus sensibles. L’entreprise évolue et certains ne suivent plus. Ce n’est pas une question de compétence, mais d’alignement. Et si la situation perdure, elle finit par freiner tout le monde.Il faut que le pacte prévoie des clauses précises pour organiser ce qu’on appelle un départ forcé. Et surtout, il faut le faire avec humanité. J’ai vu un cas d’un associé en difficulté qui a pu partir avec un vrai plan de transition, un an pour rebondir, une clause de non-concurrence équilibrée. Il a retrouvé une place ailleurs et l’entreprise a pu continuer à avancer
sereinement.
En un mot, que faut-il retenir ?
Que la fin fait partie de l’histoire. Et que c’est à nous, les associés, de faire en sorte qu’elle soit digne, claire et respectueuse. Le pacte d’associés est un outil, mais la qualité de la relation humaine reste centrale.Contenu publié en accord avec Thierry Courtecuisse et Benoit Duchange, auteurs du livre Choisir ses associés - Entreprendre au pluriel, paru aux éditions Autres Talents.
Pour en savoir plus : livre « choisir ses associés, entreprendre au pluriel »