Fondation d'entreprise
 

Compte Nickel 

 « 100% utile, 0% toxique ». Ce n'est pas le slogan d'une firme agroalimentaire, mais la communication bien dans son époque d'un service bancaire alternatif, ouvert à tous, sans condition de revenus ni de patrimoine. Son credo ? « Jamais jugé, jamais puni » !

 
Original dans la forme comme le fond, le Compte Nickel propose d'éviter la case banque : avec une mise de 20 euros par an, c'est chez un buraliste que vous décrocherez son package, soit un relevé d'identité bancaire, une Mastercard et tous les services de « home & mobile banking » en temps réel. Autant dire un tiercé gagnant, destiné à l'origine aux 6 millions d'exclus bancaires et de « mal bancarisés », finalement prisé par tous ceux qui veulent payer le juste prix. Des technologies de pointe, une révolution opérationnelle, le sens de l'intérêt général : inédite, cette offre de tenue de compte a de la tenue.

« Nous sommes un projet d'avenir pour les buralistes  », décrypte Hugues Le Bret, en commentant le succès du Compte Nickel qu'il a lancé en 2014, avec trois associés. N'y entendez aucune forfanterie. D'abord, parce que ce n'est pas le genre de ce jeune cinquantenaire, tellement affable qu'on l'imagine à peine avoir géré la communication de la Société Générale, pas plus dirigé sa filiale Boursorama et présidé le conseil d'administration de cette banque en ligne, leader de l'information boursière et financière. Ensuite, parce que son offre révolutionnaire de tenue de compte, si elle augure d'un relai de croissance significatif pour les vendeurs de cigarettes, n'aurait eu aucun avenir sans le concours de ces derniers. Résultat de l'équation : un compte ouvert en 5 minutes sur place, sans condition de ressources, ni dépôt minimum, permettant d'être bancarisé sans avoir à subir d'enquête intrusive, impudique et discriminatoire ; en bonus, la possibilité immédiate de retirer du cash au distributeur comme de régler tous ses achats par carte, y compris sur des sites marchands, ou encore de domicilier des prélèvements, d'émettre et recevoir des virements, en France comme à l'étranger. Le tout piloté en temps réel sur téléphone, smartphone ou Internet.

Démonstration top chrono. Plutôt qu'un sas fermant l'entrée d'une agence, repérez la carotte rouge en façade de l'un des 1 500 buralistes hexagonaux agréées par la Banque de France (ils seront 2.300 fin 2016 soit 5 de plus chaque jour), arrivez munis simplement d'une carte d'identité et de 20 euros. Sur une borne dont l'interface ressemble à un appareil photo, scannez vos papiers ; extraites, les données s'affichent immédiatement sur l'écran. Après vérification, le buraliste active la Mastercard sur son terminal de paiement électronique ; elle est associée au dossier client, qui vient d'être créé de façon totalement dématérialisée. Au tarif annuel d'un “billet“, vous voilà bancarisé avec relevé d'identité bancaire (RIB) et carte internationale de paiement, opérationnelle immédiatement dès lors que votre compte est approvisionné. La maison ne fait pas crédit ? Elle informe ! Parmi d'autres attentions connectées, le solde du compte est interrogé en temps réel et une alerte prévient les éventuels dérapages, évitant au client l'ardoise qui va avec...  C'est le gros lot à un prix imbattable, atteste l'inflation du nombre clients. Alors que fin mai 2016, 300 000 personnes avaient déjà souscrit à cette approche aussi innovante que démocratique, la Financière des Paiements électroniques, à laquelle est adossé le Compte Nickel, est passée numéro un en France pour l'ouverture mensuelle de comptes.

Bancariser les exclus


Question de profonde évolution sociétale, a anticipé Hugues le Bret. « Les gens ont envie d'une consommation sobre et intelligente. Ils ont confiance dans ce qu'ils comprennent et ce qui leur ressemble. » En phase avec cette simplicité opérationnelle, le parcours client se confirme facile et intuitif, jusque dans son libellé. « Mode d'emploi, sa présentation tient en 400 mots...  sans astérisques ! ». Idem pour la grille des tarifs, sans frais cachés, transparence oblige. Un retrait de cash chez le buraliste ? 0,50 euro ; dans un distributeur, c'est le double. Un dépôt de cash ? Limité à 750 euros par période de 30 jours, il est facturé 2% du montant. Un conseil : privilégier les virements. Avec l'abonnement annuel de 20 euros, ils sont gratuits et illimités, tout comme les alertes par mail. Idem pour les transferts de compte à compte, et les paiements par carte, en France ou à l'étranger : aucune commission, ni frais de change. C'est aussi parce que la carte, à débit immédiat, n'autorise aucun découvert que les frais de fonctionnement plafonnent à 36,50 euros en moyenne en 2015, contre 190 euros annuels pour une offre traditionnelle. Car, tous les mois, près de 20% des Français sont en dépassement d'autorisation de découvert ; chaque trimestre, ils se montent à 40%. Entre agios, relances et autres frais d'incidents, qui ponctionnent de surcroît la moindre provision, ces gens voient leurs difficultés budgétaires grevées, par centaines d'euros : une spirale infernale, qui peut mener jusqu'à l'exclusion bancaire.

2 500 000 interdits bancaires en France, jusqu'à 6 millions hors circuit selon certaines associations : ce sont eux qui ont motivé la création du Compte Nickel. « Après refus de leur banque et saisine par la Banque de France, ils avaient le droit au compte pour seule solution ». Les performances de ce « service » ? Elles sont accablantes : d'après les statistiques officielles, ses bénéficiaires se limitent à 30 000 personnes par an, alors que le Trésor Public verse une aide de 200 millions par an à la Banque Postale au titre de l'accessibilité bancaire ! Or, pas de RIB, pas d'intérim ! Pour toucher le RSA ou toute autre aide sociale,  c'est le parcours du combattant, obligeant à faire la queue pour le toucher en espèces, à patienter encore pour le déposer manuellement sur un Livret A. Etc. « A cette population doublement stigmatisée, nous avons souhaité offrir une solution simple, non intrusive, sans risques. »

Avec ces avantages, la logique a séduit bien plus largement que la cible initiale. Si 30% des clients n'ont pas de revenus réguliers, près de 50% sont des salariés, du privé comme du public, pendant que 15% mixent artisans, commerçants ou auto entrepreneurs, à côté d'étudiants et de retraités. A la faveur de crédits et débits en temps réel, étayés par un service client en ligne, au téléphone et par mail, tous plébiscitent le suivi au cordeau de leur situation bancaire. Après avoir fait mouche auprès d'acheteurs sur Internet, en réduisant le risque de fraude, le compte bloqué a séduit les parents d'adolescents. «  Depuis septembre 2015, nous avons lancé une offre pour les 12-18 ans, avec les mêmes caractéristiques ; en plus d'être protégés des agios, ils sont moins exposés aux déboires en détenant une carte plutôt que des espèces », a judicieusement prévu ce père de quatre enfants.

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Une révolution qui fait sauter la banque


Une croissance de 209% en 2015, au-delà des prévisions ; une ouverture aux mineurs, sous le contrôle d'un parent ou d'un tuteur ; un objectif de 500 000 clients, fin 2016 ; un taux de satisfaction de 98%, autant dire inégalé : un véritable tabac. « S'associer aux buralistes est une donnée de ce miracle », reprend le co-fondateur du Compte Nickel. « Avec 25 115 points de vente dans tout l'hexagone, dont près de la moitié dans des communes de moins de 3 500 habitants, ce maillage de proximité a doté notre petite startup d'un puissant réseau de distribution, au potentiel incroyable. En corollaire, notre coût d'acquisition client est imbattable. » Une collaboration aux intérêts bien compris puisque chaque ouverture de compte peut procurer au buraliste 3 euros, bonifiés de 2% à chaque dépôt d'argent, de 23 centimes par retrait d'espèces et d'un revenu annuel complémentaire pour tout compte actif. Soit une compensation bienvenue à des revenus en baisse (tabac, téléphonie, presse, PMU, timbres fiscaux, etc.), depuis 2012, pour la première fois de leur histoire.  Misant, en passant, sur un apport de clientèle différenciée et une image revalorisée, le syndicat du Losange est allé jusqu'à entrer dans le capital, à hauteur de 6%.

Exit les banques « à la papa » ? D'un bout à l'autre, peut attester Hugues Le Bret, qui souligne volontiers l'inefficacité de leur informatique, leur conformisme et, in fine, leur arrogance vis à vis du grand public. Alors que quatre-vingt salariés (en CDI) donnent corps aujourd'hui  à ses activités de conformité, ses opérations, son service clients et ses équipes de distribution / marketing, soutenus par deux nouveaux recrutements par mois, la startup a failli mettre la clé sous la porte, avant même d'établir ses quartiers à Charenton-le-Pont, aux portes de Paris. Car si ses fondateurs ont été visionnaires, profitant d'une directive européenne sur les paiements pour créer cette alternative de tenue de compte, les embûches ont été kafkaïennes pour concrétiser cet établissement de paiement. Révolution technologique et informatique en poche, doublée d'un modèle entrepreneurial, l'agrément par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) aurait dû être une formalité, pourtant ! L'exigence du régulateur, après 18 mois d'instruction et 4 800 pages de dossier ? « Consolidez le capital », de six millions supplémentaires. Réponse des investisseurs ? « Revenez quand vous aurez l'agrément. » Le serpent se mordait la queue... Loin des banques qui ont toutes refusé d'investir, d'une structure publique ou d'un quelconque fonds d'investissement officiel, c'est auprès de 136 particuliers que les quatre associés réussiront à boucler leurs multiples levée de fonds, collectées chaque fois in extremis, alors que chacun des fondateurs avait déjà investi jusqu'à sa chemise. Depuis, la navigation ne se fait pas sur long un fleuve tranquille. Mais, ensemble, ils bravent aléas et obstacles.

Le Beur, le Black et les deux Gaulois


« Le premier miracle, c'est notre rencontre », partage Hugues Le Bret, avec l'enthousiasme des premiers jours. Avec sa verve de passionné, il la raconte dans son livre No Bank (les Arènes 2013) - aussi publiée en poche aux éditions Points. Prenez un informaticien et génie de l'électronique, Ryad Boulanouar, à qui l'on doit par exemple le prototype du Pass Navigo. Ajoutez une connaissance de chacun : Pierre de Perthuis, homme de marketing et « serial entrepreneur », et Michel Calmo, Centralien ayant fait de belles vagues aux Antilles sur le marché des cartes prépayées. Vous obtenez un quatuor Nickel, dont les aventures balancent entre épopée et thriller. Leur but ? Donner à tous l'accès à un compte et à une carte de paiement pour une poignée d'euros. Leurs armes ? Les technologies de pointe. Leurs alliés ? Les buralistes. Leurs clients ? Nous tous.

« C'est un bouquin qui a le très gros avantage de dire bien les choses qui font mal et de dire juste les choses qu'on aimerait voir aller dans le bon sens, sur le plan humain, social et économique », juge le quotidien Les Échos. Ironie de l'histoire, c'est parce qu'il avait commis pareil forfait que Hughes Le Bret en est arrivé là : en écrivant et publiant La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial (Les Arènes 2010), devenu un best-seller mondial, il a assumé de perdre son emploi, pour gagner sa liberté. Une liberté chèrement payée, puisque l'establishment bancaire l'a déclaré persona non grata... Voilà l'arroseur arrosé, par la grâce d'une startup innovante et vertueuse ! D'autant que les quatre No Bankers, qui visent aussi les très petites entreprises (TPE), ont la motivation chevillée au cœur. Il n'y a qu'à lire leur charte, au gré des pages de No Bank.  « Se marrer : c'est fait, mais le mot n'a plus le même sens, il est devenu très exigeant. Aider, on va tout faire pour. Changer, c'est dans le tuyau... Et se barrer, je ne sais plus, ça prend aux tripes ce truc... » On dit banco.


Plus d'infos :

Site web : www.compte-nickel.fr

☎ 01 75 43 50 13

✉ 18, avenue Winston Churchill Charenton-Le-Pont – 94220

Belle histoire de primé racontée par Anne Laure Murier pour le compte de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur




 
 
 
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